I’ll set fire to the whole place (Luce)

Ils ont toujours été aimants. Tendres, même, parfois. Des parents qui s'emportaient parfois dès la première étincelle mais qui savaient couvrir les sept mômes de la fratrie d'attentions, du plus âgé à la petite dernière, Lucrezia. Un nom bien pompeux pour une gamine aux manières de charretière.

Aussi aimants soient-ils, en ce jour, ses parents ont trouvé la limite de leur patience. Recevoir une lettre de l'école magique clandestine de Rockaway leur annonçant qu'on n'y voulait plus de Lucrezia, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Jamais elle n'a entendu son père hurler si fort. Le silence consterné de sa mère en dit peut-être plus encore.

« TU NE COMPRENDS PAS TA CHANCE ! CERTAINS NE VERRONT JAMAIS UN GRIMOIRE DE LEUR VIE, ET TOI, TU JETTES TOUT PAR LA FENÊTRE ! »

L'adolescente a la mâchoire crispée, les poings serrés. Elle tient du paternel un « caractère de cochon » comme ses frères et sœurs aiment le dire, et c'est dans ces moments qu'il s'exprime le plus fort.

« J'en ai rien à foutre des bouquins et des potions, j'veux... »

Une gifle l'interrompt au milieu de ses plaintes, la réduisant au silence. Un hoquet de surprise échappe à sa mère. C'est la première fois qu'il ose la frapper, et les yeux de la gamine brillent de colère.

« Tais-toi, idiote ! Tu auras une éducation magique. Je ne te laisserai pas devenir la honte des Di Pasqua. »

Une grimace de douleur commence à tordre les lèvres du pater, et ses doigts se mettent à gratter le dessus de sa main frénétiquement. Alors que l'ado le fixe avec hargne, une plaque rougeâtre commence à apparaître, puis la peau se met à fumer alors qu'un grognement de douleur échappe à son père.

Réalisant enfin qu'elle est à l'origine de sa souffrance, Lucrezia écarquille les yeux et recule, y mettant soudain fin. Elle fuit, secouée par cette scène incompréhensible et les reproches qu'elle lit sur le visage de ses parents.


Au fil des années, l'incorrigible Lucrezia devint l'intenable Luce. Elle fit mentir ses parents à de nombreuses reprises. Le précepteur qu'ils payèrent une fortune finit par tirer d'elle de beaux sortilèges et quelques connaissances en magie. Pas pour leur faire plaisir, oh non, mais pour être certaine de pouvoir tenir tête à n'importe qui voulant encore lui imposer sa volonté.

Comme toute sa fratrie, Luce au milieu des affaires des Di Pasqua ; trafic de drogues, jeux et combats illégaux, le tout principalement organisé sur les plages de Jamaïca Bay dès que la milice avait le dos tourné. On la tient un minimum éloignée des combines les plus sombres des Noceurs, le gang que sa mère tient d'une poigne de fer. Des générations de Di Pasqua ont été à la tête de celui-ci, avec pour seule règle que le précédent chef choisisse parmi ses enfants le prochain.

Quand Luce décide d'utiliser l'argent qu'elle a mise de coté pour acheter un bateau de plaisance, le but avoué est de s'éloigner de l’hôtel Di Pasqua, servant de quartier général à sa famille. Avec une bande de Noceurs, elle ouvre un casino mouvant clandestin sur L'éphéméride, et y organise des fêtes monumentales. Rapidement, le navire devient le cœur de la vie festive des îles voir de Rockaway ; certains viennent de loin pour s'y amuser et goûter à ce que Lucrezia à offrir aux clients. Tout ou presque est permis, seule la prostitution et le meurtre étant proscrits à bord. Ces événements, ouverts à tous, apportent vite à Luce une réputation. Nombreux sont les moyens pour y entrer ; troc, argent falsifié, informations, services... Ou encore, plaire à Luce. On finit par la surnommer Queen Lucrezia, car la jeune femme fait de l'ombre à l'empire parental. Le fossé se creuse doucement entre eux, et nombreux sont les Noceurs à se ranger du coté de Luce, de même que certains de ses frères et sœurs.

Puis sa mère décide de transmettre le flambeau, trop âgée et lassée d'être cheffe d'une bande qui se délite doucement. Beaucoup s'attendent à ce qu'elle nomme son aîné comme héritier, mais contre toute attente, c'est Luce qu'elle choisit. Certainement dans l'espoir d'unifier à nouveau sa famille. Même son père accepte ce choix, admettant la légitimité de la cadette. Quant à sa fratrie, c'est une toute autre histoire...