Hold me in this wild wild world { Calie

Organiser un rituel de fidélité entre deux tourtereaux désireux d’un premier engagement avant que leurs familles ne s’accordent sur les modalités du mariage – et bien sûr, la réception suivant celui-ci, voilà qui aurait du remplir de joie et d’enthousiasme la charmante Zélie Havilliard. Connue pour être fleur bleue, elle s’est effectivement émerveillée en gazouillant devant les projets de ces deux amis de longue date de la Summer Court, ne tarissant pas d’éloges, les abreuvant de félicitations et évidemment fourmillant d’idées plus somptueuses les unes que les autres pour que tout soit absolument parfait. Et pourtant. Pourtant, sous ce masque bien ajusté, et quoi que suggère le diamant ornant son annulaire gauche, le cœur n’est absolument pas d’humeur à célébrer une romance si exquise qu’elle semble bénie par les dieux. Mais des années de frivolité assumée et d’entraînement à toujours paraître absolument irréprochable aident sans le moindre doute à ce que personne ne se doute qu’elle est en réalité en mille morceaux. Sa belle assurance et les progrès indéniables faits ont été violemment balayés, des souvenirs l’assaillent sans qu’elle ne puisse les bloquer, et Dashiell n’est plus visible à ses côtés, jamais. Beaucoup de bouleversements en très peu de temps, qui ont fait vaciller la naïade qui pourtant, se tient plus que jamais droite sur ses talons, à arroser le monde de ses sourires et à occuper l’espace de son rire cristallin, qu’elle aimerait sans doute un peu plus franc. Et à tenir un emploi du temps impossible pour ne surtout pas avoir le temps de penser, de se poser, au risque de s’effondrer encore une fois. Et de guetter des textos ne venant pas. C’est ainsi qu’elle se retrouve, de nuit, à parcourir les rayons de son apothicaire préféré, à la recherche de ces bougies roses dont elle a absolument besoin pour le rituel.

Ses talons résonnent dans les allées, sur le parquet ciré. Habituellement, elle ne vient pas seule à cette heure-ci. Mais il ne lui répond pas. Encore un absent de son quotidien. Une part d'elle en est égoïstement soulagée, ayant peur, plus que tout, de devoir lui avouer ce qu'elle sait. Il lui semble pourtant important, même capital de le faire. Elle a été persuadée, longtemps, que c'était sa propre couardise qui ls empêchait de se voir. Jusqu’à la dernière fois, où elle l’a croisé et a essayé de lui sourire. Et cette fois, c’est lui qui est parti, la décidant à lui écrire, encore. Et rien. Secouant la tête, elle soupire. Il faudrait qu’elle aille le voir, mais se retrouver dans cet immeuble, si proche du salon où tout s’est effondré … elle n’en aura pas la force. Il faudrait un coup du pouce du destin. Ce serait possible, pense-t-elle en suppliant toutes les divinités aquatiques qu’elle connait. Il vient, souvent, après tout. Il lui semble voir son ombre partout où son regard se pose, son visage même … et, les doigts à quelques centimètres à peine de la rangée colorée de bougies, il lui apparait que ce n’est pas un mirage. Caïn est là, un peu plus loin, dans l’allée. Il ne l’a pas vue. Ou feint de ne pas la voir. Le cœur battant soudainement, Zélie hésite, suspendue en plein vol. Il lui suffirait juste d’y aller, ce n’est pas très compliqué. Et le miracle a bel et bien été demandé. Alors … son corps décide pour elle. Ses phalanges sont agitées d’un soubresaut qui déclenche une réaction en chaîne, provoquant l’affaissement de la rangée de cire, tombant comme des dominos, jusqu’à ce qu’une dizaine environ ne dégringole de l’étagère en une cascade chamarrée et bruyante. « No ! » Le rouge aux joues, la demoiselle s’accroupit, récupère ce qu’elle peut rapidement, en se maudissant, jusqu’à la dernière, qui a roulé jusqu’à buter contre une chaussure … et elle n’a pas besoin de relever les yeux pour savoir à qui elle appartient. « Sorry … » Plus le choix, il n’est plus question de reculer. Alors elle se redresse, lui faisant face, les bras chargés de bougies, murmurant : « Hey Caïn… » L’esquisse d’un sourire se dessine sur son visage alors qu’elle essaye, courageusement : « It’s been quite some time … » Le sous-titre « tu m’as manqué » semble plus que criant. « Where have you been ? »