Every breath you take

Aurore est convaincue qu'elle s'en voudra toute sa vie. Elle aurait dû dire non, pourquoi en a-t-elle été incapable ? Prostrée sur son lit, la jeune femme regrette d'avoir l'ouïe fine et d'entendre ses parents parler d'elle non loin. Elle leur en veut de ne lui prodiguer l'affection dont elle a tant besoin. Ils la jugent. Son père est compréhensif, sa mère fait preuve de mépris. N'aurait-elle pas pu dire non ? Anthéa ignore que sa fille vit avec l'impression permanente de décevoir ceux qui la connaissent. Elle a le sentiment d'être née ainsi, ne se souvenant plus d'un avant. Un avant quoi, qu'elle se rende compte qu'elle serait une piètre guérisseuse ?

La jeune femme revoit les images de ces deux jours devenus catastrophe. Elle n'aurait pas dû faire confiance à ce garçon, mais comment deviner le prédateur sous la gueule d'ange ? Elle n'a pas su s'opposer quand il a voulu aller plus loin, contre son gré. Elle voulait bien faire, il était si persuasif et elle si faible ...

Elle tombe, elle saute, elle est aspirée. La sensation est indescriptible et il n'y a pas d'interlocuteur à qui en parler. Il fait de nouveau jour. Aurore consulte une horloge pour vérifier ce qu'elle sait. Elle palpe les endroits douloureux de son corps. Les marques n'y sont plus, mais la douleur est toujours présente. Est- elle ... Elle se souciera de cela si elle se marie.

Aurore repousse son petit-ami. A vrai dire, elle décide même d'une rupture sans donner le moindre motif. Lorsqu'ils apprennent la nouvelle, ses parents lui reprochent d'avoir rompu une alliance politique qui devait se sceller par des fiançailles.

Elle a toujours tort. Mais son corps est intact. Le soir dans son lit, elle décompte les heures passées dans cette excursion en plus du temps qu'elle a vécu. Un peu plus de trois heures. Vieillira-t-elle prématurément de ces sauts dans le temps ?