Into the starlight will I go (Selma)

“Into the starlight will I go” — Chaque bruit qui retentit dans les rues de l'Upper Side West semble l'attaquer personnellement. Toute cette lumière, ces néons omniprésents, cette musique qui ne s'arrête jamais tant que le soleil n'est pas levé, qui retentit dans ce qu'il semble être chaque rue... Il ne peut pas passer devant un établissement sans ressentir les vibrations de la musique jouée à plein volume, même s'il se trouve au beau milieu de la rue. Ces rues sont d'ailleurs pleines de monde, de personnes plus ou moins alcoolisées, souriant, criant, s'embrassant. Ce quartier semble être conçu pour lui taper sur les nerfs, surtout ce soir. Comme à chaque fois qu'il vient ici, il se demande comment fait Titus pour pouvoir y vivre. Il sait qu'au fond, ce coven l'a recueilli alors que l'Hiver ne voulait plus de lui, et il peut comprendre qu'il se sente mieux ici qu'à Manhattan, mais... physiquement, il ne sait pas comment Titus fait. Chaque centimètre carré de ce quartier semble être créé dans le but de donner un mal de crâne à quiconque y mettrait un pied. Et manque de chance pour Ashby, il avait déjà mal à la tête avant d'arriver.

Il avance rapidement, d'un pas décidé. Il sait où il va, et ce n'est pas le Lost Souls? aujourd'hui. Il se dit au passage que ça fait longtemps qu'il n'est pas allé dans un bar, que ce soit celui-là ou un autre. Enfin, il y a bien longtemps qu'il ne va pas autre part, en vérité. Généralement, il préfère passer la soirée chez lui, au calme, mais si l'envie lui prend de sortir se détendre et s'amuser un peu, c'est dans le nightclub de son ami qu'il se rend. Mais ces derniers temps, il a été occupé, ou trop fatigué pour sortir. Et il doit bien avouer que ça ne l'attire plus autant que lorsqu'il avait à peine vingt ans. Il se note mentalement de se trouver une soirée où il se sentirait assez bien pour aller rendre visite à Titus. Il est son plus vieil ami après tout, et s'il ne lui a jamais dit, il se demande souvent comment il fait pour ne pas en avoir assez de lui. Derrière son armure d'arrogance et de suffisance, il est désespérément attaché aux rares personnes qui ne semblent pas agacées par sa présence. Il faut dire qu'il n'y met vraiment pas du sien, mais il n'a jamais su comment faire autrement. Il a toujours eu le sentiment de vivre dans un monde ou tout le monde semble avoir lu le mode d'emploi, sauf lui. Alors il espère juste que Titus sait à quel point il est important pour lui. Il se fait une autre note mentale, à côté de la première, s'intimant de dire à Titus qu'il compte pour lui. Mais il sait pertinemment qu'il aura du mal à prononcer ces quelques mots. Il en a toujours eu. Ça rendrait les choses si simples, pourtant. Sans qu'il le fasse consciemment, ses pensées dérivent vers Mojave, mais ça ne fait qu'augmenter son mal de crâne et son agacement. Ce serait effectivement plus simple s'il arrivait à parler à Mojave. Qu'il se prenne un râteau et qu'il arrête d'y penser autant.

Il tourne et arrive dans une petite rue, et les bruits de l'artère principale semblent enfin s'atténuer. Ça le soulage immédiatement et il laisse échapper un soupir, avant de continuer. Au bout de quelques minutes de marche rapide, il arrive à l'entrée de l'observatoire abandonnée. Connaissant cet endroit comme sa poche depuis des années, il se glisse rapidement à l'intérieur.
Sur le sol, quelques vieilles bouteilles d'alcool témoignent de la présence régulière de fêtes organisées ici, et il en repousse une du bout de sa chaussure, retenant une grimace de dégoût. Pour des gens censés apprécier les étoiles, il ne comprend pas comment les sorciers de la Nuit peuvent se ficher autant de leur observatoire. S'il était dans le quartier de l'Hiver, on en prendrait soin au moins... C'est un bâtiment d'avant-guerre totalement à l'abandon, mais Ashby vient ici depuis qu'il est tout petit. C'est son père, astronome, qui l'a emmené ici les premières fois. Et il n'a jamais pu s'empêcher de revenir. Pourquoi l'aurait-il fait ? Ici, il a l'impression que tout ses problèmes s'envolent.

Ça ne sert à rien de s'énerver sur ce qu'il y a au sol. Il lève les yeux vers le dôme qui mène vers les étoiles. C'est dans ce quartier que l'on voit mieux les étoiles, le reste de New York est saturé par la pollution lumineuse et il est inutile de lever la tête pour voir quoi que ce soit. Il regrette souvent de ne pas pouvoir avoir une meilleure vue sur l'univers. De ne pas pouvoir sortir de New York, de conduire sur plusieurs dizaines de kilomètres, pour observer le ciel. C'est peut-être pour ça que l'observatoire est à l'abandon, se dit-il. Quoi de tel que les étoiles pour avoir envie de s'évader ? Et personne ne doit sortir de New York. Personne, jamais.

Il se rapproche du télescope, encore utilisable, sûrement entretenu par quelques passionnés. Parfois, Ashby se dit qu'il aurait mieux faire de poursuivre une carrière dans l'astronomie, lui aussi. Et il a hésité, longtemps. Mais au final, il a préféré se rabattre sur les objets antiques, précieux, tangibles, racontant une histoire. Et sur la magie. Parce qu'au fond, il aurait sûrement été beaucoup trop frustré de se rapprocher autant des étoiles, et d'être incapable de les toucher. Il y a quelque chose au fond de lui qui gronde, comme un animal en cage ne rêvant que de grands espaces. Quelque chose qui veut savoir, comprendre l'univers. Qui veut se balader au milieu des étoiles, s'éloigner du sol terrestre, pour ne peut-être jamais revenir.

Comme à chaque fois qu'il vient ici, il est totalement perdu dans ses pensées, et il ne remarque pas qu'il n'est pas seul dans l'observatoire, cette fois.
 

@Selma Al-Hashemi ; code by solosands