June △ this girl is on fire

△ 20 Juin 2192 : Jour de ma naissance. Je ne vais pas mentir, je ne m’en souviens pas vraiment. Ce que je sais, c’est que je suis née à Rockaway. Oui, oui, ce gros tas de boue à New-York. Mes parents sont Jeremiah et Alexis Baker. Lui était un sorcier du coven de l’automne, elle une simple humaine tombée amoureuse du mauvais gars. Jeremiah était militaire, tout comme June l’est aujourd’hui. Il avait été affecté à la surveillance des humains dans un autre tas de boue qu’on appelle Staten Island. Il devait s’assurer que les humains ne projetaient pas de se rebeller contre l’ordre sorcier en place et de veiller au calme. Il s’est pas mal intéressé à la famille d’Alexis. En effet, mes ancêtres côté maternel s’étaient pas mal illustrés pendant la guerre par leur engagement en faveur de la cause humaine. Ils avaient été plutôt amochés et l’Automne soupçonnait qu’ils veuillent se venger. Et ils se vengèrent à leur façon, en raflant au coven du feu l’un de leurs meilleurs éléments: Jeremiah. A force de côtoyer Alexis, il en est tombé amoureux. L’automne l’a banni du coven pour trahison, ils lui ont même jeté un sort d’oubli de la magie, lui qui était si doué pour maîtriser le feu. Les parents Baker sont alors partis vivre à Rockaway, le seul endroit où un couple formé par un sorcier devenu wicked et une humaine ne serait pas trop regardé de travers.

△ 13 avril 2196 : Le feu est là. Il est arrivé. Chez nous. Chez moi. Mon habitation brûle. Je ne sais pas comment, mais je crois que c’est moi qui ai fait cela. Mes parents étaient absents et la maison et je jouais avec un bout de bois, que j’imaginais être une épée. Soudain, alors que je m’amusais, il a pris feu.  Je l’ai laissé tomber par terre, prise de panique et en un instant le feu s’est répandu. Heureusement, mes parents revenaient de leur tour au marché noir de Rockaway. Ma mère restait en retrait dehors, pétrifiée à l’idée de perdre son enfant et mon père, avec le courage intact des soldats de l’automne est venu me secourir. Toujours tatoué dans le dos, il n’a pas craint les flammes. Toute la famille s’en est tirée, grâce à un heureux hasard, mais le taudis dans lequel nous vivions était en miettes. Jeremiah et Alexis ont vite compris que le feu ne venait pas de notre vieille gazinière ou un radiateur défectueux mais bien de leur progéniture. Je ne sais pas s’ils ont vraiment hésité entre me garder chez les Wicked ou me livrer au coven de l’automne pour que j’y vive une vie meilleure. En tout cas, ils ont choisi la seconde option. De ce que je me souviens, ils s’étaient aventurés près de Greenwhich Village, discrètement, ils m’ont demandé d’avancer. Evidemment, à peine le pied posé sur le territoire de l’automne, ils m’ont questionnée. Mais qu’est-ce qu’on peut tirer comme informations d’un enfant de moins de 4 ans? Alors ils ont cherché à comprendre ; ls ont attendu que mes parents viennent me chercher mais ils ne sont jamais venus… Alors que se posait sérieusement la question: « mais qu’est-ce qu’on va foutre de cette gosse ? », le feu m’a sauvé. D’une manière incontrôlée, je venais de mettre le feu à un tas de feuilles mortes. C’est comme ça qu’ils ont décidé de me garder dans le coven.

△ 2 juillet 2208 : Et voilà. Les cours de cette année prennent fin à Astoria. Les autres sorciers ont hâte de profiter d’une trêve des cours méritée avec leur famille tandis que, moi, je m’entraînerai. Comme chaque été. Comme à chaque instant. Je n’ai jamais su comment occuper mon temps libre autrement. Je n’ai jamais joué avec les autres enfants, je n’ai jamais pratiqué d’un instrument ou passé mon temps à jouer aux jeux vidéos. Non. Mon truc c’était m’entraîner et devenir meilleure, de jour en jour. Je n’avais rien à quoi me raccrocher. Pas de famille de sang, pas de repères… Alors je me donnais à fond dans la magie. J’avais 16 ans et je rentrais chez moi à Greenwich. On m’avait collé à une sorte de famille d’accueil que je n’intéressais pas trop. Ceci dit, ils ne m’intéressaient pas vraiment non plus. J’étais concentrée sur mon rêve: intégrer l’armée. On vivait dans une maison un peu industrielle, comme une vieille usine, pas trop grand mais confort. Bien mieux que ce taudis dans lequel les soldats m’ont dit que je vivais. Je passais mes journées de repos dans la cour à maîtriser mon élément, le feu. On m’a raconté mon histoire. Du moins, ce que les soldats en faction à Rockaway ont découvert. Ils ont en effet enregistré la disparition d’un enfant qui correspondait à mon signalement chez les Baker. Alors on m’a filé ce nom. C’était toujours mieux que « June tout court. »

△ 10 février 2219 : On m’envoie en mission dans la péninsule de Rockaway. J’ai pris pas mal de gallons depuis la dernière fois que j’y ai mis les pieds. Je n’étais qu’un simple soldat. Désormais je suis lieutenant. Ce n’est pas encore ça que j’espérais, mais compte tenu de mon âge, c’était plutôt dans la norme. En vrai, c’était même plutôt bien. Je devais encadrer une descente de la police dans une vieille baraque. Parfois, quand la situation était risquée ou tendue, ils faisaient venir l’armée en renforts. Plusieurs familles se partageaient l’habitation. Dont la famille… Baker. Moi je savais qui ils étaient, mais eux n’avaient pas la moindre idée de mon identité. J’aurais aimé que, comme dans les films, mes parents me reconnaissent malgré les 22 années durant lesquelles ils ne m’avaient plus vue. Mais non. Dans la vraie vie, les parents ne nous reconnaissent pas. Ils nous regardent de travers parce qu’on a le torse bombé et les mains ouvertes, prêtes à faire jaillir le feu s’il en est besoin. Ils me regardent en biais, comme si j’étais une inconnue au milieu de ces soldats. Comme si le lien qui nous unissait avait été rompu le jour où j’avais fait partir en fumée leur vie à Rockaway. Je n’ai pas été capable de parler. De dire mon nom. De leur dire: «  Je suis June Baker, votre fille. » Non. Rien de tout ça. De leur cracher ma haine au visage. La haine de ne pas m’avoir laissé le choix de rester avec eux. Au fond, c’était tant mieux car j’avais trouvé une famille plus fiable que la leur: l’automne. La seule famille pour laquelle j’ai envie de me battre, la seule pour laquelle je donnerai ma vie s’il le fallait.