Bury a friend, I wanna end me | ft. Solveig

Tristesse absolue. Toute de noir vêtue, elle déambulait les rues. Cela ne faisait que quelques jours que Keridwen venait d'être bannie pourtant elle avait l'impression que cela faisait une éternité. Un grand manque présidait dans son coeur. Tant de choses avait disparue dans sa vie en si peu de temps… Sa famille, sa magie, son amour, son bébé… Elle était au bout du gouffre. Depuis son bannissement, Keridwen n'avait pas quitté sa chambre au Moon Hotel. C'était un message qui avait réussi à faire sortir de son trou. Après plusieurs appels en absence, depuis plusieurs jours, la brune finit par regarder son portable. Solveig. La cousine d'Adam, son défunt petit-ami. Sans doute voulait-elle des explications. La jeune sorcière l'avait prévenue de la mort de son cousin. Sous le choc, elle n'y avait pas mis les formes, lui faisant part de la nouvelle par un simple sms « Ma famille a découvert ma liaison avec Adam. Ils l'ont tué. Je suis désolée. ». Sans doute était-ce une manière cruelle d'annoncer un décès. Encore plus de laisser Solveig l'annoncer au reste de la famille. Mais Keridwen n'a jamais apprit à se montrer compatissante envers les humains. Même Adam avait dû attendre longtemps avant qu'elle lui montre ne serait-ce qu'une once d'intérêt.

Les funérailles avaient lieu aujourd'hui. Voici le contenu du message de Solveig qui lui indiquait le lieu et l'heure de l'événement. La première pensée de Keridwen fut que c'était un piège. Après tout, la famille d'Adam disposait de toutes les raisons pour vouloir se venger. De plus, la jeune Zápolya n'avait aucune idée de comment ils avaient apprit la nouvelle, étant donné qu'elle n'avait même pas pris la peine de les appeler ou de les recontacter par la suite. Elle avait eu ses propres soucis à gérer. Même si le risque était présent, la sorcière déchue accepta de se rendre à cet enterrement. Un enterrement qui allait surement se dérouler avec un cercueil vide. Cela l'étonnerait beaucoup que la famille d'Adam ait réussi à récupérer les cendres auprès des Zápolya. C'est munie d'un couteau précieusement cachée en dessous de sa longue robe noire qu'elle se rendit au cimetière. Même si sa vie n'était pas à envier, elle n'était pas suicidaire pour autant. Elle préférait avoir de quoi se défendre sur elle, au cas-où. Elle n'avait pas prévenu Solveig de sa présence, n'ayant pas répondue à son message. Le risque était moindre ainsi.

Une fois arrivée, la cérémonie avait déjà commencée depuis quelques minutes. Keridwen la suivait de loin, près d'un arbre, en retrait. Elle comptait ne pas se faire voir par la famille. C'était d'ailleurs la première fois, qu'elle la voyait au complet. La jeune femme n'avait été en contact uniquement avec Solveig par le passé. Refusant de rencontrer la famille proche d'Adam. C'était trop lui demander. Le long de la cérémonie, ses larmes coulaient le long de ses joues, le coeur lourd. Dire que tout ça, c'était la faute de son frère… S'il ne les avait pas dénoncés, rien de tout cela ne serait arrivé. Car elle en était certaine Keridwen, même avec l'accouchement, ils seraient parvenus à garder le secret. Elle aurait confié le bébé à la famille d'Adam. Puis elle s'était toujours dit que son histoire d'amour avec Adam ne durerait que quelques années puis elle passera à autre chose, ses sentiments s'estomperont d'eux-mêmes et elle pourra se marier avec un Autumn comme la tradition le voulait. En l'occurrence, en effet cela n'avait pas duré trop longtemps…

Cet enterrement, elle avait hésité à s'y rendre. Entre la suspicion d'un piège, la basse tolérance qu'elle avait envers les humains et toute sa vie qui venait de se chambouler en un claquement de doigts… Finalement, Keridwen s'y était tout de même rendue, ne serait-ce pour rendre hommage à son amant perdu de par sa simple présence. Elle ne comptait en aucun cas, de se rapprocher de la faille d'Adam. Ce serait tendre le bâton pour se faire battre, encore pire cela pourrait même s'avérer être suicidaire. Cette famille, la jeune Zápolya n'y connaissait pratiquement rien. Elle n'avait jamais cherché à la connaitre. Ce ne sont que des humains, pourquoi s'embêter à tisser des liens ? Surtout pour une amourette d'adolescente, du moins c'est ce que Keridwen croyait jusqu'à présent. Cette relation avec Adam, elle s'était toujours dite que c'était un caprice d'adolescente, un attrait pour l'interdit, une passion qui allait s'envoler comme elle était venue et qu'elle devait profiter jusqu'à qu'elle ne ressente plus rien parce que c'est en résistant que l'envie se fait plus forte. Mais maintenant qu'il n'était plus de ce monde, elle se demandait si elle ne s'était pas voilée la face jusqu'à présent. Que si Adam n'avait jamais été si important que cela, pourquoi cette peine dans son coeur était si grande, si profonde ? Pourquoi ça faisait si mal ? Puis ne parlons même pas de ses larmes qui coulaient le long de ses joues. De toute sa vie, Keridwen n'avait pleuré que très rarement. Les entraînements dont elle avait été habituée dès son plus jeune âge, l'ayant forgée un mental de fer. Elle devait se rendre à l'évidence Keridwen, elle aimait Adam de tout son coeur. Cet humain un peu maladroit, qui avait le don de la faire lever les yeux au ciel, lui qui s'était obstiné à attirer l'attention de la jeune sorcière qui ne lui accordait aucun regard au début. Pourtant, il avait toujours été là pour panser ses blessures lors d'entraînements trop rigoureux. C'est même lorsqu'elle avait accepté qu'il la soigne pour la première fois - une simple coupure sur la joue - qu'elle avait succombé à la tentation d'un premier baiser.

La cérémonie suivait son cours alors que Keridwen restait en retrait sous un arbre. Ne souhaitant jouer les troubles-fêtes, Adam méritait des funérailles en bonne et du forme à défaut d'avoir eu une mort paisible. Personne n'évoqua la raison de sa mort et la jeune sorcière en était rassurée. Sans doute que ses parents ne souhaitaient pas encourir le risque de lancer un débat sur le sujet. Ou bien qu'eux-mêmes avaient du mal à accepter l'idée qu'il se soit fait tuer pour avoir batifolé avec une sorcière. Elle n'en savait rien et ne le saura surement jamais. La cérémonie touchait à sa fin et une silhouette s'approcha d'elle. Par réflexe, Keridwen eut un mouvement de recul jusqu'à s'apercevoir qu'il s'agissait seulement de Solveig. Elle sécha rapidement ses larmes du revers de la main, en espérant que cette dernière ne les avait pas aperçus. S'il y avait bien quelque chose qu'elle ne voulait pas, c'est montrer ses faiblesses à autrui. La jeune sorcière ne savait pas trop réagir en sa présence. Sûrement serait-il plus simple de tourner les talons et partir sans un mot. Cependant, Keridwen avait conscience qu'elle était très mal placée pour agir de la sorte. Qu'elle se devait d'un minimum de respect pour la jeune femme devant elle. Elle faisait tout de même partie de la famille d'Adam et était la seule avec qui elle avait eu contact, sans pour autant que ce soit de grandes effusions. La seule avec qui elle pouvait parler d'Adam. Ce n'était pas pour autant que les deux étaient de très grandes copines. Lorsque notre disparu était encore de ce monde, c'est à peine si la jeune Zápolya adressait la parole à Solveig, se contentant la plupart du temps de rester silencieuse aux côtés de son amant. Pas très friande pour se mélanger à d'autres humains. Alors forcément, la brune désormais seule face à la blonde ne sait pas comment réagir, ni quoi dire.

- Merci de m'avoir prévenu pour les funérailles…

Ça lui écorchait la bouche, l'air de rien. Remercier une humaine, ce n'était pas chose courante pour elle. Son visage de marbres, les membres tendus, impossible de se détendre ni même esquisser un sourire. Au final, Keridwen ne voit pas pourquoi elle resterait encore quelques minutes de plus. Plus rien ne la retenait, les funérailles étaient terminées, elle ne pouvait s'approcher du cercueil sans se faire repérer alors autant repartir et revenir lorsque plus personne ne sera présent. Alors, la jeune sorcière se retourna, s'apprêtant à partir.

Spoiler:

En son être Keridwen était tiraillée par diverses émotions contradictoires. Une part d'elle lui en voulait d'éprouver une telle tristesse pour un humain. Qu'elle avait beau être bannie, elle ne faisait que chuter encore plus en poursuivant cette voie-là. Qu'elle devrait voir son bannissement comme une leçon, une raison de ne plus s'aventurer vers ce chemin-là et non le contraire. Pourtant, la jeune Zápolya avait besoin de faire son deuil, d'être présente à la cérémonie au risque qu'elle le regrette toute sa vie. Une exception, juste aujourd'hui, se disait-elle comme pour se rassurer. Après plus jamais, elle ne côtoiera les humains. Elle restera croupie parmi les wicked pour payer de son erreur. La brune avait tout à fait conscience de mériter ce qu'il lui arrivait. Elle avait été idiote de croire que son idylle avec Adam passerait inaperçu. Elle aurait dû continuer à lui résister et non ronger tête la première dans la fameuse citation : le seul moyen de se délivrer de la tentation, c'est d'y céder. Et maintenant, elle en payait le prix de cette libération. Le prix multiplié par trois. Voir mourir Adam sous ses yeux, perdre leur enfant et se retrouver bannie des siens. Le prix était fortement élevé mais c'est elle qui l'avait choisi. Après tout, sa famille lui avait donné une seconde chance, tentant de passer un marché avec elle. Elle ne sera pas bannie si elle acceptait de tuer Adam. Chose qu'elle n'avait évidemment pas pu faire. Et résultat ce dernier avait tout de même finit par mourir.

- Je n'ai besoin de personne. Surtout pas d'une humaine.

Réflexe d'une éducation focalisée sur le non respect des humains. Elle avait beau être tombée amoureuse de l'un d'entre-eux, cela restait difficile pour elle de ne plus les considérer comme de la vermine. Tout ce qu'on lui avait apprit restait ancrée en elle. Ça faisait partit d'elle. Le tout couronné d'une fierté un peu trop prononcée. Le pire c'est qu'elle en a conscience Keridwen et c'est pour cela qu'elle ne peut s'empêcher de poser une question à Solveig.

- Pourquoi es-tu si gentille avec moi ? Adam est mort par ma faute et toi tu cherches à m'aider…

Ce n'est plus de la gentillesse à ce stade-là, c'est de l'idiotie. Se retenant-elle de rajouter. Ce n'était pas étonnant qu'ils soient méprisés par les sorciers. Comment parvenaient-ils à survivre avec toute cette inconscience ? Si les rôles avaient-été inversés même pas Keridwen aurait cherché à contacter Solveig. Au contraire, elle lui en aurait voulu. Aurait cherché à se venger. Et la jeune blonde semblait bien loin de ressentir tous ces sentiments. Pas une once de vengeance brillait dans ses yeux. Juste de la bienveillance. Un regard dont la brune n'avait pas été habituée. Plutôt habituée à la dureté des traits de chacun. Les visages fermés des sorciers de l'automne, au sien surtout rigide, implacable. Sans doute que la dureté de ses traits devait contrasté avec ses yeux humides et rougis. Ce n'était absolument pas quelque chose dont elle était habituée.

Nouvelle vie à en devenir. Des choix qui ne font que forger son destin. Emprunter un chemin qu'elle n'aurait jamais soupçonné. Les précédents événements étaient trop récents pour savoir précisément ce qu'elle allait faire par la suite. Le deuil rendait son esprit trop confus. Elle n'avait pas assez de recul pour pouvoir réfléchir sereinement. Mais il était certain qu'il fallait qu'elle trouve une solution. Keridwen n'était pas du tout faite pour être une wicked. Elle avait toujours été promise à un avenir tout à fait à l'opposé. Chaque jour, elle espérait se réveiller et s'apercevoir que tout cela n'était qu'un cauchemar, un simple avertissement. Dans sa tête tout se bousculait. Il était difficile pour elle de garder une certaine stabilité. Rien que sa présence dans le cimetière le prouvait. Sa froideur envers Solveig lui sauvait peut-être la face mais son instabilité était quelque peu palpable. Sa carapace qui se fissure peu à peu. Son interrogation le prouvant. Cette envie de savoir pourquoi la jeune blonde ne la rejetait pas malgré ce qui était arrivé, malgré que Keridwen n'ait jamais été la plus tendre avec elle. En temps normal, la jeune Zápolya ne se serait jamais embêtée avec ce genre de question. Elle aurait juste ri au nez de la stupidité d'un humain. Mais Keridwen préférait ne pas songer à ce changement qui s'opérait peu à peu en elle, ça l'effrayerait trop. Elle n'était pas prête. Puis vient ce choix qu'elle doit faire. Ces premières paroles qui la refroidissent car lui faisant un peu peur. Faire partie de leur famille, d'une famille humaine c'est sans doute trop pour elle, beaucoup trop tôt pour se considérer en tant que tel. C'est pour éviter ce genre de choses que du vivant d'Adam, Keridwen refusait déjà de rencontrer des personnes de sa famille. Ce n'était pas seulement pour préserver leur secret. Trop engageant pour une personne aussi distante que la brune qui a son petit côté solitaire. Qui n'a pas l'habitude d'avoir cette entraide au sein de sa famille. Le moindre faux pas coutait cher, où elle se trouvait désormais le prouvait bien. Quelque part ça la touche, le geste de Solveig. Ça la fait hésiter malgré son apparente froideur.

- Par contre, ne parle pas de moi aux autres membres de ta famille.

Elle a fini par lui tendre la main doucement, à son tour après une longue hésitation. Et elle s'en veut d'être si faible mais elle a tout perdu en l'espace d'un seul jour. Il ne lui restait plus rien. Alors pour se rassurer, Keridwen se dit que ce geste n'a pas une si grande importance, que ça ne l'engage en rien. Que c'est juste une question de sécurité d'avoir quelqu'un au cas où. La brune lui fait tout de même comprendre que ce n'est pas pour autant qu'elle se considère comme étant de leur famille comme Solveig lui avait dit un peu plus tôt. Elle n'est pas prête encore à accepter autant d'humains dans sa vie. C'est trop tôt. Accepter Solveig, c'était déjà beaucoup pour elle. Et sans doute qu'elle regrettera cette décision lorsqu'elle y réfléchira la tête posée. Mais en ce moment, elle était tellement plus bas que terre que quelque part elle avait besoin que quelqu'un lui tende la main. Peut-être que ça l'aidera à se relever plus rapidement.  

Accepter de l’aide de son plein gré, ce n’était pas du tout dans les habitudes de Keridwen. Véritable tête brulée, elle a toujours eu la manie de clamée haut et fort, qu’elle n’avait absolument pas besoin de l’aide de qui que ce soit. Un trait de caractère commun chez les Autumn. Et quoiqu'elle ne soit plus des leurs, c’était difficile pour elle de ne plus se considérer comme tel. Ce coven, c’était toute sa vie. À aucun moment, elle n’aurait pu prévoir qu’elle finirait par être bannie. Comment les sorciers dans son cas, parvenaient à faire face un tel changement dans leur vie ? La majorité prenait part à la rébellion, elle le savait. Cela avait fait partie de son boulot de les surveiller lors de ses descentes. Cependant, la brune refusait emprunter ce chemin-là. Au fond d’elle, son coeur appartenait encore au monde des sorciers, au coven de l’automne. C’est ce qui rendait tout encore plus difficile parce que maintenant qu’elle était chez les Wicked, elle avait l’impression que toute sa vie était terminée. Qu’il n’y avait plus aucun espoir possible. Sa famille n’avait même pas essayé de reprendre contact avec elle depuis qu’elle a été bannie. Surement qu’ils ne le feront jamais. Peut-être que c’est en parti à cause de ce fait, qu’elle finit par accepter la main tendue de Solveig. Un sourire triste se dessina sur ses lèvres lorsqu’elle mentionna Adam, qu’il souhaiterait qu’elle l’aide. Ce serait tout à fait son style oui. De son vivant, il voulait toujours l’aider même lorsqu’elle ne lui accordait aucun regard. Têtu et chevaleresque, comment aurait-elle pu lui résister ?

- Je ne sais pas, j’en ai aucune idée… Déjà éviter de me faire tuer, c’est déjà un bon programme. J’ai beaucoup d’ennemis chez les Wicked. Donc je ne pense pas que tu puisses m’aider pour ce côté-là. À moins que tu puisses avoir accès à des armes…

Ce qui étonnerait beaucoup Keridwen. À vrai dire, elle n’avait aucune idée en quoi Solveig pourrait l’aider pour quoi que ce soit. À part partager son deuil d’Adam, la brune n’avait aucune idée de ce qu’une humaine pourrait faire pour elle. Sans doute qu’elle sous-estimait trop les personnes autour d’elle, peut-être que parfois elle avait tendance à prendre les autres de haut, ce qui se complexait avec le trait « je n’ai besoin de personne ». Si elle continue à agir de la sorte, il y a des chances pour que ça la mène à sa perte dans un tel environnement. Cependant, elle avait tout de même fait des progrès. Il y a quelques jours encore, elle n’aurait jamais accepté l’aide d’une humaine. Pas certain pourtant que de son point de vie, cela se définit comme un progrès. Bien le contraire même. Malgré tout, Keridwen avait conscience qu’elle a besoin d’alliés si elle ne veut pas mourir des mains d’un ennemi. Et pour le moment, il n’y avait pas foule de volontaires alors elle ne pouvait refuser lorsqu’une personne propose d’elle-même son soutient.