the yawning grave (silas)

Le visage fermé sur des regrets, Letha se perd le long des chemins qu’elle n’a pas osé prendre, des décisions qu’elle s’est refusé de faire. Au fin fond de son cœur, les océans se déchaînent et les murs l’enferment. Elle s’imagine changer le monde alors que derrière les voiles noires de ses bateaux, il n’y a plus aucune aventure, plus aucun espoir de s’échapper de New-York. Cruelle désillusion qui la condamne encore et toujours à s’isoler du reste, à oublier ses rêves et à enterrer ses propres chimères. Le jour se dissipe pour laisser place au début de soirée, là où les fêtes écrasent tout le Queens d’un vacarme incessant, là où les visages se couvrent de maquillage pour effacer les erreurs d’un passé tumultueux. Letha ne faisait pas exception, chacun sur la riviera avait après à mentir pour cacher ses plus noirs desseins.

Silas n’était probablement pas différent. Avec ses regards qui se perdaient dans le vide de son existence, avec ses regrets qui devaient le bouffer de l’intérieur. Letha l’connaissait, comme tout se connaissent ceux qui partagent le même monde. Des fêtes à n’en plus finir et des visages qui se ressemblent tous, qui se confondent dans la nuit, quand le champagne coule à flot et que les potions passent de main en main pour maintenir l’illusion la plus parfaite. En se dirigeant vers le mur, elle se demandait si c’était ses pas qui la guidaient vraiment, ou une conscience invisible, une envie d’s’échapper du reste de la ville. Pourtant, les murs étaient infranchissables. Béton qui entourait le monde sorcier pour le cacher, le faire disparaître derrière des briques. On disait qu’ils étaient maudits, les murs. Et pourtant, Letha, quand elle croise Silas non loin de ces derniers, un peu trop loin du quartier pour que ça ne soit pas suspect, elle se demande si lui aussi, il n’a jamais eu envie de s’échapper du Queens pour voir ce qui se cacherait derrière. Si la désolation ne valait pas plus que l’écho incessant des conversations mondaines. « Qu’est-ce que tu fais là ? »

Avec l’horizon pour seule limite, New-York s’était protégée du monde désolé qui l’entourait. Visage qui disparaissait dans les cendres, elle avait perdu le sens des secondes et des minutes, Letha. Le temps dévalait dans un tourbillon sans fin. Elle a cru que son cœur finirait par s’y habituer. Mais peut-être que sa condition était bien plus simple qu’il n’y paraissait. Peut-être que c’était la solitude qui avait tout emporté sur son passage, avec pour seul but la destruction. Elle ne pouvait plus prier pour des forces inconnues qui avaient choisi de l’abandonner un peu trop vite. Derrière les miracles, il n’y avait que des illusions, des mensonges cruels qui se fichaient de son existence. Silas aussi, se trouvait au bord du précipice, à la limite entre ce qui était interdit et ce qui ne l’était pas. Au coven de l’été on fuyait la vieillesse, les traits fatigués, et la lumière du jour n’était qu’une parade de plus pour oublier que le monde avait aussi parfois peur de sa propre course. Ils avaient choisi de se cacher en plein soleil, probablement parce que c’était là que les illusions étaient les plus difficiles à maintenir.

L’été, le moment où tout le monde rêve de quelque chose de grandiose, un feu d’artifice sans fin qui disparaitrait quand la fête serait finie. Le soleil se couchait sur le Queens et ils n’avaient que leur courage pour les sauver. « Non, pas vraiment. » Les plans, elle avait fini par les oublier. C’était plus facile de laisser les choses se faire, de se laisser couler parce que finalement, même les étoiles devenaient de piètres mensonges. « J’pensais juste me rapprocher et voir ce qui se passerait. T’as une meilleure idée ? » Y’avait quelque chose d’un peu fou, dans ses décisions ; Une manière à elle de soigner la maladie humaine. Anesthésie passagère qu’elle peinait à renouveler encore et encore. Silas avait probablement d’autres raisons. L’héritier maudit qui se cachait derrière un sourire impeccable et des mots soigneusement choisis. Dans le Queens, l’ambition avait ravagé les plus belles âmes et le pouvoir avait englouti les plus beaux souvenirs. Dans son cœur, y’avait un poison qui la dévorait de l’intérieur et le mur n’était qu’une façon de plus de se soigner face à l’oubli.