Gives you hell { Zélyx

♛ Gives you hell

When you see my face hope it gives you hell. When you walk my way hope it gives you hell.

« Amaury ! » Les talons vertigineux claquent sur les pavés alors que Zélie s’avance vers l’interpelé qui se retourne, souriant. Trente-cinq ans, un charme ravageur, cet enfant de l’Été est toujours parfaitement aprêté et ne manque pas de gratifier d’une œillade appréciatrice la tenue de la demoiselle. Lui tendant la main quand elle arrive  sa hauteur, il la fait tournoyer pour mieux admirer les pans bleu nuit de sa robe, qui virevoltent autour d’elle. « Très en beauté, comme d’habitude. » Le rosissement est maîtrisé et de circonstance, alors qu’elle chasse l’air d’un geste faussement gêné de la main. « Vil flatteur, tu ne changeras donc jamais. » « Tu me connais bien … et d’ailleurs, j’envisageais de déplacer notre meeting dans un autre lieu. » « Une envie d’exotisme, mon cher ? » « Tu ne crois pas si bien dire. » Et c’est ainsi que la demoiselle se retrouve dans une banquette du Lux Tenebris, jambes croisées, observant son commanditaire qui semble n’avoir d’yeux que pour les distractions autour de lui. Non pas qu’elle s’en plaigne, la soirée promet d’être agréable, et il n’est pas le premier client à l’emmener ici, certains ont voulu lui montrer les illusions d’une certaine Leda, qu’ils voulaient pour leur soirée. Précaution inutile étant donné le rapprochement des familles Havilliard et Crane, mais le message n’est pas encore passé partout. On vient les servir et la sirène s’empare de son verre, contenant un cocktail aux couleurs chatoyantes qui la font saliver par avance. Sa boisson préférée, au goût acidulé de bonbons, dissimulant la puissance du gin sous ses airs innocents. Les regards qui glissent sur elle ne l’inquiètent pas pour l’instant, Amaury ne la laissera pas se faire entraîner au loin, étant donné qu’ils sont là pour affaires. Quoique …

Le regard de l’homme ne semble pas quitter la scène et le numéro qui s’y déroule. Trop occupée à évaluer quelques menaces masculines, Zélie n’a même pas remarqué le spectacle qui commence … et qui est sur scène. Ses yeux trouvent le plafond alors que son compatriote soupire d’extase alors que les mouvements de Nyx enchantent l’assemblée. « N’est-elle pas divine ? » Nouvel eyeroll non contrôlé de la part de la Havilliard qui s’asseoit un peu plus profondément dans son siège des plus confortables. Même si une moue désapprobatrice s’est dessinée sur ses lèvres, oui, si elle était tout à fait honnête, elle devrait bien avouer que la grâce qui se dégage de la danseuse est indéniable. Que ses manières qui laissent à désirer au quotidien ne se font pas ressentir quand elle évolue au rythme de la musique. Mais ce serait reconnaître qu’il s’agit d’une adversaire de taille et qu’elle la surpasse en tout point, et ça, elle n’y est pas prête. Pas prête du tout même. Il est suffisamment difficile de la voir se coller à Kai dès que leurs regards se croisent – lequel n’est nulle part en vue, et c’est une bonne nouvelle étant donné qu’elle doit rester concentrée – alors en plus se dire qu’elle est peut-être aussi bonne qu’elle sur une piste de danse, voire meilleure … hors de question. Devant son absence de réponse, Amaury se tourne vers elle, des étoiles dans les yeux. « Tu ne trouves pas que c’est une superbe danseuse ? » Difficile de tenir son rôle d’ingénue dans ce cas-là. C’est avec un haussement d’épaules que l’enfant répond, intensifiant sa moue désabusée : « Eh bien disons qu’il y a danse et danse. » Un commentaire tout sauf innocent, et qui n’a pas été perdu par une serveuse passant non loin. Ce qui échappe totalement à la naïade, qui repose son verre. « Et si on en revenait aux choses sérieuses ? »

♛ Gives you hell

When you see my face hope it gives you hell. When you walk my way hope it gives you hell.

Confortablement installée devant l’une des imposantes coiffeuses de la loge principale, Nyx apporte la touche finale à son maquillage des plus élaborés, dans un rituel qu’elle maîtrise désormais à la perfection à force de répétition. Échangeant un bref regard avec sa voisine qui débute à peine le sien, elle referme le tube de rouge à lèvres écarlate pour le ranger dans sa trousse et s’admirer une dernière fois dans le miroir. Le reflet qu’elle y trouve la satisfait, la faisant soupirer d’aise avant qu’elle ne se lève pour rejoindre l’arrière-scène. Sa prestation ne débute que dans une quinzaine de minutes, lui laissant tout loisir de s’échauffer dans un coin à l’écart puis de se rapprocher des rideaux de velours pour observer discrètement le public venu profiter du spectacle. Dans la foule elle reconnaît aisément les nouveaux venus qui constituent la majorité des spectateurs, mais elle repère également quelques habitués fidèles au poste comme chaque semaine, notamment ceux qui ne manquent jamais de l’acclamer lors du solo de danse qu’elle s’apprête à effectuer. Une figure familière se distingue cependant du lot, mais celle-ci est loin d’appartenir à ses admirateurs. Zélie Havilliard, princesse de l’été qui l’insupporte au plus haut point, dont elle doit tolérer l’existence depuis de trop nombreuses années déjà. Nyx en lève les yeux au ciel et se perd dans des fantasmes d’accident mortels qui pourraient malencontreusement lui coûter la vie. Ce n’est que lorsqu’on lui fait signe d’entrer en piste qu’elle s’arrache à ses rêveries macabres pour se concentrer à 100% sur son rôle. Elle ne ressent pas le trac, assurance sereine d’un numéro qu’elle pourrait effectuer les yeux fermés. Les premières notes résonnent dans toute la salle, mélodie à la fois entraînante et sensuelle composée par Caïn à sa demande et sur laquelle elle s’élance avec passion. Dès lors plus rien ne compte, elle oublie les dizaines de regards braqués sur elle pour se donner entièrement à son art. Ce n’est plus qu’un tête à tête entre elle et la musique, une explosion de sensations et d’émotions qu’elle puise au plus profond de ses entrailles pour les transmettre dans chacun de ses mouvements. Plus qu’une communion, c’est une véritable libération.

Trop vite à son goût, l’harmonie se meurt et elle effectue une ultime pose tandis que les applaudissements explosent à travers la pièce. Quelque peu essoufflée mais dans un état d’euphorie vibrant, elle salue le public avant de se retirer en coulisses où on la félicite chaleureusement pour ce nouveau succès. Une multitude de retours positifs qui la propulsent sur un petit nuage, joie éphémère gâchée par le commentaire désobligeant qu’on lui rapporte par une serveuse. A la description que cette dernière en fait, la danseuse n’a aucun mal à deviner l’identité de l’indélicate et c’est avec l’envie d’en découdre qu’elle s’abandonne à une pulsion peu recommandable. Rejoignant Zélie à la table où elle est installée en compagnie d’un sorcier qu’elle ne connaît pas, elle se permet d’interrompre leur conversation sans la moindre gêne. « J’espère que vous avez apprécié le spectacle. » Sourire bien trop poli pour être sincère, surtout lorsque ses yeux lancent des éclairs foudroyants à la sorcière du Queens. « Nyx Karven, enchantée. » se présente-t-elle à l’inconnu en lui tendant la main. Qui que ce soit, elle entend bien se le mettre dans la poche, quitte à faire preuve d’une hypocrisie sans nom. Les présentations faites elle reporte son attention sur Zélie, faisant preuve d’une sollicitude qui ne parvient pas à dissimuler l’insulte sous-jacente. « Je serais ravie de te donner quelques leçons Zélie tu sais. Ça me ferait plaisir de t’aider à progresser, tu n’as pas à être gênée de me demander. » Les prunelles qui pétillent, elle se délecte de cette première attaque.

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Retrouver l’attention d’Amaury n’a pas été aisé, mais la fin du numéro de la pimbêche de la Nuit a facilité les choses. Penchée sur les plans du manoir qu’il loue pour l’occasion, la sirène retrouve rapidement le sourire, détaillant les idées du bout de ses ongles parfaits. Oubliée, l’ombrageuse danseuse, effacés, les soucis que peuvent poser sa présence. Mais c’était évidemment sans compter sur la ténacité dont semble faire preuve la sorcière de la Nuit. Car une ombre vient se dessiner sur les papiers bien alignés, dessinant une silhouette qui fait relever les yeux de l’homme vers elle. Et manque d’arracher un soupir à Zélie qui prend deux secondes pour retrouver une contenance et se redresse. A temps pour assister au numéro de charme de la demoiselle envers son client. Bien. Sûr. « J’espère que vous avez apprécié le spectacle. » Et elle est effectivement là, à les surplomber de sa hauteur, tout en sourire pour l’homme, et les yeux en poignards pour elle. C’est une bouille d’ange qui lui répond, même si les lèvres qui s’étirent un peu trop indiquent clairement que l’hostilité est partagée. « Nyx Karven, enchantée. » Et Amaury de baiser la main qui lui est tendue. Ecoeurant. Donnez une femme à demi-nue se trémoussant et vous obtenez ce résultat. Pathétique. Et oui, la mauvaise foi est tout à fait de mise, mais il n’y a personne pour espionner ses pensées. Et elle va d’ailleurs avoir besoin de tous les fards possibles pour dissimuler ses pensées, parce que, non contente d’interrompre son rendez-vous, Nyx est venue pour la provoquer. « Je serais ravie de te donner quelques leçons Zélie tu sais. Ça me ferait plaisir de t’aider à progresser, tu n’as pas à être gênée de me demander. »

Zélie manque de s’étouffer dans le verre qu’elle portait à ses lèvres, et doit prendre une seconde de pause pour envoyer un regard un peu trop mielleux à la jeune femme pour qu’il soit sincère. Et elle a d’ailleurs un peu plus de répit grâce à son voisin, bien trop heureux pour comprendre ce qui se joue entre les deux belligérantes, demandant : « Tu danses, Zélie ? » « Oui, je danse, répond-elle en appuyant sur le mot avec la même emphase que précédemment, pour bien se détacher de ce qui peut se faire dans cet établissement.Le mépris est évident, mais dit avec l’air le plus innocent du monde, tout passe, c’est quelque chose qu’elle a appris très, très tôt. « Au Théâtre, je te ferai parvenir une invitation si tu veux. » Une scène, pour elle aussi. Et autrement plus prestigieuse que celle sur laquelle miss Karven vient de se produire. Ce qui est écrit partout sur son visage pour qui saurait le lire. « Alors je te remercie pour ta généreuse proposition, Nyx, mais cela ira, merci. Par contre, je peux également t’adresser une invitation si jamais tu souhaites voir à quoi ressemble un cambré. » Toujours cet air angélique parfait sur ses traits enfantins alors qu’elle porte son verre à ses lèvres pour en prélever une gorgée. C’est bas, mais ils ne sont effectivement pas parfaits, simplement parce que c’est un choix artistique de sa part pour le mouvement. Et elle en est parfaitement consciente. Mais après tout, c’est elle qui a commencé en ouvrant les hostilités à sa table.