(FB) You got me some type of way ✧ nozan

Le silence n’est que de courte durée alors qu’elle lui demande clairement ce qui lui vaut l’honneur de sa visite. Si la première fois qu’elle l’a approché, il s’est méfié, se demandant quelle entourloupe politique amenait une femme glaçon à venir se perdre dans les illusions nocturnes, il y a quelque chose en elle qui l’a touché. Une compréhension mutuelle, des instants rares qu’ils partagent, le plus souvent, effectivement, quand Morphée se montre cruel avec lui. Ce qui arrive régulièrement. Le contact de sa jambe remontant la sienne le fait frissonner, se demandant s’il ne devrait pas plutôt se jeter de nouveau dans une étreinte passionnée pour ne pas verbaliser ce qui l’a amené là. Et pourtant. Ses doigts caressent lentement la hanche nue de la jeune femme, ses prunelles d’un azur agité trouvant les siennes. « L’avancée des travaux, je la constate moi-même. » Un demi-sourire. Il serait tellement facile de dévier la conversation. Mais pas de ça entre eux. Un souffle lui échappe alors qu’il cille, avant de se reprendre. Clore les paupières est encore pire. Sans doute les yeux dans ceux de Nora qu’il relate : « C’est toujours le même. » Une partition sanglante, amère, qui le hante depuis le jour où il s’est montré cassant. Où il l’a écartée de sa vie, pour la protéger. Pour se protéger. Le jour où son destin lui a échappé. Où il en a embrassé un autre, renonçant à l’avenir qu’il s’était dessiné. Un futur avec elle. « La porte de mes appartements s’entrouvre. » Il voit avec précision ses doigts se détacher sur le battant. « La journée a été longue. Mais je sais qu’elle était fermée. Il y a quelqu’un à l’intérieur. » Ses yeux se baissent ensuite sur le sol. Dans ses songes. Actuellement, ils sont dans ceux de Nora, mais son regard est perdu, loin. « Il y a un chemin de pétales rouges, qui part de l’entrée. » Ses pieds se mettent en marche. Remontant le sillon écarlate. « La table est dressée, deux couverts. Une bouteille de champagne, ouverte. Une seule coupe, remplie. La mienne. » Son pouls s’accélère alors que son lui imaginaire reprend sa route. « Les pétales conduisent à la salle de bains. La porte s’ouvre et … » Sa gorge se noue alors que les images s’enchaînent, plus réalistes les unes que les autres. « Elle est là. Dans la baignoire. » Une vision qui aurait pu être divine. Instinctivement, son bras ramène Nora à lui. Comme s’il avait besoin de sa chaleur. Comme s’il craignait, soudainement, que ce soit elle, dans cette baignoire. « Egorgée. » Il ne peut se résoudre à en dire plus. Et secoue la tête, pour chasser cette vision. Essayant de calmer la course effrénée de son cœur. Son autre bras vient la trouver. Pressant sa silhouette contre la sienne. Un pansement sur ses blessures à vif. Une douceur pour atténuer la douleur.

Le baiser et la main sur la joue viennent l’apaiser. Deux touchers brûlants et pourtant si doux, qui viennent appliquer du baume sur la douleur lancinante qu’il ressent. « Elle va bien. » Ses yeux se ferment, manquant de le brûler. Oui. Shreya va bien. Loin de lui, en sécurité. Loin du pouvoir, loin des affres de la politique, loin du danger que signifie se retrouver à ses côtés. Et si l’absence le tue, jours après jour, c’est cette certitude qui l’empêche de revenir vers elle, de lui écrire, de la supplier de revenir. Parce qu’elle doit rester sauve. Et que la seule manière qu’elle le soit, c’est qu’ils ne soient plus ensemble. Jamais. Alors c’est à d’autres qu’il s’ouvre. Mais jamais autant qu’avec Nora. Il y a quelque chose en elle qui résonne en lui, qui lui rappelle qui il est, la douleur qui est sienne, le manque d’équilibre qui menace de le faire sombrer. « Ici les mauvais rêves ne peuvent pas te rattraper, tu as bien assez à faire en essayant de me supporter. » Un rire lui échappe, plus léger que rauque, signifiant que la plaisanterie a eu l’effet escompté. Ses doigts courent sur le flanc de la jeune femme, y réveillant des frissons qui accentuent son sourire. Et c’est lui qui revient mordiller ses lèvres, qui laissent échapper des mots qu’il ne voulait pas forcément entendre. « Et puis dans la vraie vie, tu n'arriveras pas trop tard. »

La gorge de l’homme se noue et ses yeux fondent dans ceux de la fille de l’Hiver. Ses mains remontent finalement sur son échine, pour venir encadrer son visage. « Dans la vraie vie, la question ne se posera jamais. » Ils sont rares, ceux qui savent que la dame est encore dans ses pensées et dans son cœur. Aux yeux du monde, il est ce souverain solitaire, au cœur de pierre, gouvernant son monde d’une main de fer. Nul n’ira soupçonner qu’il existe un moyen de l’atteindre, un moyen si aisé … « Ni elle, ni toi, ni personne d’autre ne sera inquiété par ma faute. » Centrer l’attention sur sa personne. Agir en toute discrétion pour ses écarts. Et faire en sorte que rien de mal n’arrive, jamais. Un serment qu’il fait, remettant une mèche de ses cheveux en place, prunelles vissées aux siennes : « Je te le promets. » Parce qu’elle doit se douter que fréquenter quelqu’un comme lui n’est pas sans risque. Qu’elle en soit consciente ou non.