this is not a love story (jaï ft. kael)

c’est une journée qui n’a pas d’éclat, qui s'additionne aux autres naturellement; entre le fer forgé et la verdure auxquels il n’a pas tant l’habitude de se mêler, l’enfant de la saison opposée a les pas contre ce bitume encore frais d’un vent léger - il cherche les secrets et les merveilles à découvrir entre les étalages et les stands à l’esthétisme soigné. certaines planches découvrent des piles de livres usés aux couvertures déchirées et aux titres à déchiffrer. raï se perd entre les lignes et les mots, jette un oeil dans tout ce qu’il trouve, passera des heures à tenter de trouver ce qu’il ne cherche pas. il se lance même dans la lecture de certains livres qui semblent le captiver assez longtemps, assez longtemps avant d’être attiré par autre chose. le wicked zigzag entre les gens du printemps et les autres, venus, comme lui, trouver les trésors de la littérature en plein air.

il ne pourra pas dire que ce n’est pas agréable ce mélange entre le décor et le vent doux qui amène les odeurs de vieux livres à ses narines mais ce n’est pas ce qui ressortira le plus de cette journée - imperméable aux couleurs, aux décorations, il n’y a que les mots qui capturent son regard, arrivent à attraper ses gestes et un semblant de douceur au creux de ses mains abîmées. raï a pris le pouvoir sur les mots, lit à oublier de respirer, se nourrit des sources qu’on a si longtemps voulu le priver. le wicked parcourt sa chance et dévore cette vie qui lui offre la seule chose dont il a réellement besoin; les lectures permanents, le savoir qui coule dans ses veines sans pouvoir un jour être rassasié, il attrape les dorures de certaines couvertures pour les lancer pour quelque chose de plus authentique, de plus abimé. il cherche la magie de ce qu’il peut acheter pour revendre, acheter pour lui seul, égoïste qui parfait sa bibliothèque personnelle au sein même de son appartement. il cherche quelque chose qu’il n’aurait pas déjà ou qu’il eut un jour, pour le plaisir de le redécouvrir.

et c’est comme ça que raï passe des heures à flirter avec le printemps, à accepter de qu’on lui offre parce que, cette fois, c’est intéressant. à dévisager une reliure pour la détailler un peu plus, raï finit par relever le visage, le regard et tomber sur une silhouette plus lointaine, perdue entre les stands derrière celui où il se trouve. une silhouette aux cheveux dont les flammes résonnent en lui - il la reconnaît de dos, celle qu’il a lâchement abandonnée à moitié nue sur la plage. et pendant que la pile de livres s’accumulent entre ses mains, il fuit des yeux, conversant rapidement avec l’antiquaire. et s’il ne peut totalement la lâcher du regard, il s’en voit forcer lorsque l’homme à ses côtés glisse une main dans le creux de son dos. raï a le rire au bord des lèvres qui l’écorche sur son passage et à peine quelques black dimes distribués, l’automne fané continue sa quête entre les bouquins datés.

« Une foire aux bouquins ? T’es sérieux ? » Pince coupante en main, pleine d’huile, c’est comme ça que Jazz a reçu la proposition – malheureusement pas indécente – de Kael. La tirer de son atelier pour aller « prendre l’air » au milieu de vieux livres, il n’y a bien que lui pour tenter ça … et d’ailleurs réussir. Après une brève discussion pour savoir s’il était sage de sortir le chien en même temps – finalement non, le jeune homme aurait bien assez d’un seul animal à s’occuper, la bête rousse se faisant désirer et ayant décidé qu’elle n’était pas d’humeur. Mais à force de cajoleries en route, de main sur sa cuisse pendant qu’elle conduisait, la Kyôdo a fini par se détendre et c’est avec le sourire qu’elle entre dans ce sanctuaire de … oui bon, ça reste des vieilleries. Mais ça fait plaisir à Kael, ça le rend poétique aussi et même si elle lui reniflera d’arrêter avec ses conneries, elle est bien loin d’être insensible à son charme quand il lui lit du Beaudelaire. Même si elle préfère Poe, et de loin. Peut-être finira-t-elle par se dégoter un ouvrage ancien sur la mécanique, ou un vieux traité d’anatomie, ça au moins elle pourrait s’en servir. Aussi furète-t-elle entre les rayons, jamais loin de sa moitié, pour lui grogner de temps en temps dans les oreilles. Pas trop fort cependant, c’est loin d’être désagréable, le vent dans ses cheveux et l’air autour. Une journée tranquille, une parenthèse qui ne durera pas pace que l’impatience finira par la gagner, comme toujours. Il faudra sans doute qu’elle aille se faire une course ce soir pour compenser – elle trouvera, il y en a toujours. A moins que quelque chose ne finisse par piquer son intérêt …

Et comme un fait exprès, au détour d’un rayon, ses yeux tombent sur … : « C’est une putain de blague. » Il est là, tranquille, entre deux rayons, à faire sa vie. Raï « je te fous le feu pour te laisser en plan » Nomdefamilleinconnuetonsenbat. Cela fait plusieurs semaines maintenant qu’il s’est amusé à l’allumer pour la laisser les seins à l’air sur une plage, à devoir se finir toute seule sur la machine à laver en rentrant – true story, bro. Et si franchement, Jazz est plutôt de nature conciliante sur pas mal de choses touchant notamment au cul, après tout pas d’attaches et tout le monde fait bien ou ne fait pas d’ailleurs ce qu’iel veut, lui a touché un nerf particulièrement sensible en la frustrant au plus haut point. Et il faut bien sûr qu’il se retrouve là à parader avec son visage tellement parfait que c’en est ridicule entre deux rayonnages. Levant les yeux au ciel, la demoiselle attrape le coude de Kael pour le lui désigner d’un coup de menton : « Tiens, tu t’demandais qui m’avais mise dans un état pareil : c’est c’troufion. » Si elle seule sait de quoi elle parle ? Franchement, il y a fort à parier que son âme sœur se souvienne de la tornade râleuse qui est rentrée avant de gueuler et de s’enfermer dans la salle de bains. Et à tempêter en se rendant compte que leur chien, ce traître, s’est emparé du t-shirt de l’inconnu et refuse de s’en défaire. Une bonne chose qu’il ne soit pas là, d’ailleurs, ce Judas à fourrure aurait été foutu d’aller le renifler. Dents qui grincent, langue qui claque, ok, Jazz est définitivement agacée : « Genre tu m’as à demi à poil contre un mur et tu vas bosser ? T’y crois toi, à celle-là ? » Et la demoiselle de se détourner. Non mais. « C’est ptet juste un malade qui s’amuse à allumer les nanas et les laisser en plan. Un putain de tordu. » Méga sexy le tordu, qu’on se le dise. Mais c’est pas la question et elle est trop remontée pour ne serait-ce qui penser. Ou l’avouer, en tous cas.