Blood and stupidity, everywhere. || Ft. Alistair

Un vase, qu'est-ce que c'est? Un vase c'est une formation artificielle de verre soufflé et sculpté. Ça pourrait être de la terre cuite, ou du métal, mais je travaille avec du verre. J'en ai des petits, j'en ai des grands, j'en ai un en forme de cygne. Une magnifique pièce explosée contre un mur, blâmez ma frustration, elle s'en fiche. Ce que j'essaye de faire n'est toujours pas très clair dans mon esprit, mais ce que j'arrive à faire est assez évident: transformer un vase de verre en un tas de sable. Comment? Pourquoi? Répondre "magie" serait stupide et pourtant je n'ai pas d'autre réponse à donner. Je suis seul, dans ma cave, face à mes vases, et je les transforme en sable sans même savoir pourquoi ni comment. Et tant que je ne comprendrais pas ce mécanisme, je ne pourrais pas avancer vers la suite de mes expérimentations. Il y a de ça également dans l'invention de sortilège, de la découverte par l'échec, par l'essaie, même quand on emprunte un chemin sombre, ou flou. Même quand on ne sait pas ce qu'on fait. Parfois, on sent simplement être sur quelque chose, et il faut simplement trouver la bonne faille.

Faille... Quel mot intéressant.

J'ai dormis quelques heures cette nuit-là, je me suis levé tôt, je n'ai pas grignoté quoi que ce soit même si je me suis fais un grand café. J'ai tourné en rond quelques longues minutes, puis j'ai finalement pris la direction de la cave. J'ai fais une pause pour manger, aucune idée de l'heure qu'il était, puis j'y suis retourné. Le temps passe sans que je ne m'en rende compte. En bas il n'y a ni fenêtre, ni horloge, seulement ma tête trop occupée et des dizaines de petits tas de sables. Et aussi des cartons pleins de vases en tout genre, avant de devoir m'attaquer aux verres... Mais j'aimerais éviter, je bois dedans.

L'heure qu'il est m'échappe, quoi que je doute qu'il soit spécialement tard, ou tout du moins pour les autres. Mon esprit est focalisé sur ce vase, posé au milieu des tas de sable, un récipient courbe, en fuseau. Les mains tendues devant moi, sans toucher le verre même si elles semblent en épouser la forme, je me concentre, ou tout du moins j'essaye. Il y a toujours un effet à déceler, une technique à élaborer avant même de lui donner un nom. Un mot. Une invocation par laquelle le reproduire. Alors, tout comme tout ces autres essaies, je focalise mon esprit, je visualise mon vase, je vois la faille, ou tout du moins je l'imagine dans ma tête. Et puis je la vois se matérialiser. Je la vois fendre le verre transparent, comme un éclair pourfendant le ciel, et l'explosion.

Pas de feu, pas de chaleur ni même de fumée, mais un souffle piquant, coupant, incisif et douloureux. J'ai eu le temps de protéger mon visage, mais allongé sur le sol, du sang suintant à travers mon t-shirt et une douleur brûlante élançant mes chairs, je dois bien admettre n'avoir protégé que ça.
De minuscules et nombreux fragments de verre se sont logés dans ma peau et ma chair sur le côté face-droit. Mon épaule, mon bras, le haut de mon torse. Je sens une pointe douloureuse sur le côté de mon front également, et trois petites boursouflure lorsque j'y passe un doigt inquiet. Au moins, les yeux n'ont rien, mais quoi que je doute que ce soit qualifiable de blessure grave, je n'oublie pas que je suis bien incapable de soigner ça par moi-même et me résous à attraper mon téléphone, en grognant. Entre mes dents. Fort.

Hazel connait un médecin. Je le sais, je l'ai déjà rencontré, on a tous failli mourir ensemble. Ça lie ce genre de trucs. Il ne refuserait pas de m'aider. C'est son boulot, non? - Salut, c'est... Thaddeus, l'ami de Hazel? J'ai... Je me suis blessé en bossant, des bouts de verre. J'aurais besoin d'.. d'aide. - Est-ce que j'ai fais sonner ça moins grave que ça ne l'est? Je l'ai en tout cas fait paraître moins impressionnant alors que le sang macule déjà toute la zone de mon t-shirt. J'en sais rien. Ça a pas l'air si grave... Alors pourquoi j'ai un vertige en montant les escaliers pour rejoindre le rez-de-chausser? Parce que je suis un inconscient, voilà pourquoi. Alors je m’assoie sur les marches, face à la porte d'entrée du hall, attendant patiemment mon sauveur... Ouais, ok, ça tourne encore.

Semi-conscient, assit, ou plutôt affalé, sur les marches face à l'entrée, je n'observe que d'un œil passif le panneau de verre et de bois se faire enfoncer après avoir entendu quelqu'un tambouriner à la porte. Une silhouette approche. J'ai reconnu sa voix sans être capable de comprendre ses mots, alors je ne m'inquiètes pas. Mais de toute façon, même si je m'inquiétais, ça ne servirait pas à grand chose: mes réflexes sont en sommeil.
Je suis encore éveillé, la tape sur ma joue qui me force à le fixer du regard en est la preuve. - Je suis là... - Le t-shirt imbibé de sang et troué d'une multitude d’orifices n'est pas bien difficile à déchirer pour révéler les blessures, et si l'air frais du hall contre la peau endolorie me fait du bien, ce n'est qu'un bienfait très temporaire.

Comment tu t’es fait ça ? Tu essayais de te construire un bouclier en verre, après notre aventure au Golden Palace ? - Un sourire crispé étire mes lèvres et je me redresse tant bien que mal. Ce ne sont que des blessures superficielles, ça j'en suis sûr. Rien de vital n'a été touché, mais la douleur n'est pas qu'une idée et les fragments de verre sont pour certains bien trop enfoncés pour que je puisse m'en occuper moi-même, voilà la raison de sa présence. Ses mains plus expertes sauront mieux m'aider que les miennes, tremblantes et moites. - Il me faudrait une pince. Et des gants. Tu aurais ça en stock ? - Il me faut quelques secondes pour réfléchir, le regard perdu dans le vide derrière Alistair, puis je m'agrippe à son épaule pour me relever, sans vraiment lui demander son avis. - Ouais...

Il voudrait probablement que je reste assis là, mais je n'y tiens pas. Ça me regarde je suppose. - Merci d'être venu. - Dis-je dans une grimace avant de commencer à gravir les quelques marches. Descendre dans l'atelier serait stupide, avec tout le verre partout, et puis ce n'est pas très hygiénique... Et puis je n'aime pas avoir du monde en bas.
Au lieu de ça, je pousse la porte de mon appartement, si on peut appeler cet immense espace un appartement, et tourne directement sur ma gauche. - Devrait y avoir ça dans la cuisine. - Grogné-je en m'approchant du comptoir sous lequel quelques meubles s’enchaînent. Dans un tiroir, ce tiroir que tout le monde a, même moi, et dans lequel s'emmagasine tout un bordel sans logique, je trouve une pince à épiler. Pourquoi est-elle là? Aucune idée. Comment j'ai su qu'elle y serait? Là encore, aucune idée. Ce que je sais en revanche, c'est qu'en me penchant pour ouvrir une porte de placard, j'ai utilisé le mauvais bras par réflexe et une vague vive de douleur m'a surpris. - Et merde...

M'appuyant sur le plan de travail derrière, je tente de discipliner ma respiration pour éviter de trop m'agiter avec ces corps étrangers dans le mien, et je tourne la tête vers Al. - Dans ce placard, il y a une boite avec des gants en latex. - Peut-être vaut-il mieux que je le laisse faire...

Oulà, Thad ? - Ça va, ça va... - La douleur a beau me filer un vertige doublé de sueurs froides, je tiens bon. Je l'observe d'un air vague, je suis probablement bien pâle comparé à la rougeur intense de mes blessures, sans parler du sang. - Va t’allonger sur le canapé et respire un bon coup, mon vieux. Tu vas en avoir besoin. - Le soupir que j'étouffe est douloureux, mais je coopère. Après tout, je lui ai demandé de venir pour ça, pour qu'il m'aide. Si je ne le laisse pas m'aider, quel intérêt?

Alors dans un grognement, je m'éloigne de la cuisine et me dirige vers le salon. - Toi aussi tu serais riche et bien logé si t'avais été viré de ta famille et sauvé par ta grand-mère. - lâché-je sans vraiment le réaliser. À croire que la douleur m'épuise bien plus que prévu. Pour être clair, je ne parle jamais de ça, ou alors seulement avec Clay, et qui sait combien il en a assez entendu.
Le tissus déchiré et imbibé, je n'ai aucun mal, jeu de mot volontaire, à l'achever pour le retirer totalement, le laisser tomber par terre, et moi-même me laisser lourdement tomber sur l'un des canapés, cette fois en me faisant bêtement mal.

Je m'allonge de façon à ce que le côté blessé soit sur le bord extérieur du sofa, afin que Al puisse y accéder directement, et si le tissus du meuble se tâche... et bien tant pis. Après tout, il doit bien avoir un sortilège pour ça quelque part. - T’invites souvent des gens, ici ? - Entends-je alors qu'il s'installe à côté de moi. - Pas vraiment... - Faut dire que je suis toujours en train de travailler, ou dehors. Inviter du monde sur place... - Pour un type avec tout cet espace, j'ai jamais été très prompt à recevoir. - Dis-je dans un sourire déformé par la douleur.

Je t'ai pris ça. Bois-en une bonne gorgée. - Mon héro. - Et j'avale une gorgée qui attaque ma gorge avant de glisser dans mon estomac et rependre sa chaleur dans tout mon abdomen. Espérons que je sois bourré avant que cette chaleur ne décuple la douleur. - Attention, je commence à trois. Un, deux… - Parlant de douleur, elle est immédiate, vive et réellement inconfortable. Je n'aurais eu qu'un seul fragment, j'aurais certainement senti le soulagement de façon immédiate, mais là... Là, la vague de douleur réactive toutes les autres blessures en une large brûlure et mon visage se tord de douleur, mais je ne cris pas. Par contre, j'étouffe le cris avec maladresse, le transformant en un grognement guttural alors que mon visage vire rouge.

Et alors? Alors je bois une autre gorgée lorsque mon souffle le permet. - Ok, ça va être sympa tout ça. - lâché-je d'un ton sec et profondément sarcastique, les doigts repliés autour du goulot de la bouteille jusqu'à m'en blanchir les jointures. - C'est quand même dommage qu'on ait pas inventé un truc pour éliminer la douleur. - Dis-je en tournant la tête vers lui. - Faudrait que je travaille sur ça. - Aussitôt qu'on aura fini cette joyeuse sauterie. Je serre déjà les poings à l'idée de la prochaine intervention, alors que sais que me détendre aiderait bien plus à gérer la douleur. - Si tu tâches mon tapis, tu le rembourses. - Dis-je en fixant mon regard sur le plafond, attendant qu'il continue.

J'ai pas de tapis, je le fais juste marcher.