Kindness is dead. || Ft. Silk

“kindness is dead” — Le Bronx est un quartier que Silk ne connaît pas particulièrement bien, et pour cause, l’Aube doit être l’un des covens qu’il supporte le moins. Enfin, en général, il ne porte pas les sorciers dans son coeur. Pas les sorciers en tant que groupe, en tout cas. En tant qu’individus, il y en a certains à qui il tient, qu’il considère comme des amis, mais en tant que société, il est incapable de la considérer comme étant juste. Et l’Aube représente tout ce qu’il déteste dans ce New York inégal et froid : dès qu’il tourne la tête, son regard se pose sur des immeubles à la pointe de la technologies, avec des équipements qu’il ne saurait même pas nommer. Alors qu’il évolue dans les ombres du quartier aux côtés de son coéquipier du jour, ils passent devant des hôpitaux à la devanture immaculée, où il n’aura jamais le droit de mettre le pied. De l’autre côté de la ville, sur Staten Island, des humains meurent chaque jour dans une indifférence totale, alors que rien ne les empêche d’être soignés et remis sur pieds, rien sauf le fait qu’ils sont incapables de produire la moindre étincelle de magie. Si les sorciers le voulaient, cette ville aurait la possibilité d’être infiniment plus équitable. Silk n’y connaît absolument rien en politique ou en économie, mais il est certain que ça ne doit pas être si compliqué. Au vu des moyens mis en place pour créer des bâtiments comme ceux-ci, ça ne devrait pas être difficile d’utiliser une petite partie de cet argent pour aider des personnes. Seulement, les sorciers s’en fichent. Ils savent parfaitement que leur système est injuste, mais ils sont du bon côté de cette injustice, alors pourquoi s’en inquiéteraient-ils ? À chaque pas que Silk fait dans ce quartier trop propre et trop parfait, sa colère envers le système en place ne fait qu’augmenter.

Finalement, ils arrivent à destination. Silk jette un coup d’œil vers Darren. Il a été très perturbé de le voir arriver lorsque leur employeur les a présentés l’un à l’autre : il est la copie conforme d’Elon, et Silk a même cru pendant un instant que c’était son ami qui se trouvait devant lui, utilisant un nom d’emprunt pour faire du sale boulot. Au final, Darren a fini par lui expliquer, et Silk a bien du s’incliner devant l’évidence, même s’il a encore du mal à s’y faire. Enfin, de toute façon, ils sont juste là pour faire leur boulot. Une fois que ce sera fait, ils se sépareront, et Silk aura sûrement pas mal de questions à poser à Elon, s’il ose aller le voir. Silk n’a pas vraiment l’habitude de travailler en équipe, et il ne sait toujours pas si ça l’arrange ou l’embête. D’un côté, leurs talents ne peuvent que s’additionner, et il n’est pas sûr qu’il aurait pu s’attaquer à un si gros morceau tout seul. De l’autre, ça fait une personne de plus susceptible de se faire repérer.

Il lève les yeux vers la grande maison en face d’eux. Encore une fois, il se demande comment quelqu’un peut vivre dans un endroit aussi grand. Il ne saurait pas quoi faire de toutes ces pièces s’il avait la maison pour lui – enfin, il en profiterait sûrement pour agrandir son chenil, mais il doute que leur victime du soir partage son amour pour les animaux. Il se demande même si ça ne doit pas être chiant au bout d’un moment, de faire le ménage dans toute ces pièces, avant de se rappeler que si quelqu’un peut se payer une baraque comme ça, le personnel doit venir avec.

« Alors? Une idée? » Silk a amené Tibarn, son chien-loup, avec lui, et celui-ci s’assoit à ses pieds les oreilles dressées. Le travail est simple, sur le pied : ils entrent, volent la recette d’une potion dont leur employeur a besoin, ressortent. Les lumières sont éteintes à l’intérieur de la maison, ce qui laisse supposer qu’il n’y a pas de gardes, c’est déjà ça. Ils ont été pressés par leur employeur, et ça ne rassure pas Silk. Il aurait bien aimé savoir si la maison était vide, et où se trouvait le bureau où, de toute évidence, la recette devait se trouver. « On devrait essayer de voir derrière. » Il hoche la tête. C’est toujours une meilleure solution que d’aller frapper à la porte d’entée. « On va au plus simple. On reste prudents et on assure nos arrières, et tout devrait bien se passer. » Chuchote-t-il. S’ils sont pris la main dans le sac… eh bien, il ne leur restera plus qu’à courir et à prier pour ne pas se faire prendre. Pas sûr que l’Aube soit très tolérante envers deux cambrioleurs, dont l’un est un sorcier sans coven, et l’autre est un humain.
Silk échange un regard avec Tibarn, et lui dit sans prononcer un mot : « Monte la garde. » Le chien lui renvoie son regard, et au moins il sait que si quelqu’un devait entrer par devant alors qu’ils seraient de l’autre côté, Tibarn n’aura qu’à aboyer.

« La porte de derrière, c’est une valeur sûre. » Dit-il, ne plaisantant qu’à moitié. D’un geste de la main, il fait signe à Darren de le suivre, et après avoir vérifié que la voix était libre, il franchit les quelques mètres à découvert qui les séparent du bâtiment. Rasant les murs, il en fait le tour en faisant bien attention à rester dans l’ombre, maudissant au passage les nombreux lampadaires de la rue. Ils arrivent sans mal à la porte de derrière, qui est évidemment fermée. Silk aurait sans problème pu crocheter la serrure, mais il la déverrouille d’un geste de la main, murmurant la formule Aperto. Ce sortilège doit être l’un des seuls qu’il utilise régulièrement, et il est quand même bien pratique. Il jette un regard derrière lui, vers Darren. « Une dernière chose avant qu’on y aille ? » Murmure-t-il, conscient qu’il sera trop tard pour faire machine arrière une fois à l’intérieur.
 

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“kindness is dead” — Pour Silk, la magie n’est qu’un outil comme un autre. Un outil dangereux, qui l’effraie la majorité du temps, mais qu’il n’hésite pas à utiliser s’il sait que c’est sans danger. Les sorts qu’il peut utiliser sont tous très basiques et ne seraient pas très utiles s’il devait être confronté à un autre sorcier un jour, mais de toute façon, la magie ne fait pas partie de son quotidien. Pas les sortilèges, les rituels et les potions, en tout cas. Il ne l’utilise que très rarement, et en majorité lorsqu’il travaille, pour se faciliter la vie. Il sait qu’il ne se reposera jamais dessus pour un contrat, ou pour lui sauver la mise. S’il doit l’utiliser pour crocheter une porte ou faire voler un objet sur quelques mètres pour éviter de faire trop de bruit, il le fera, mais il ne fera rien avec qu’il ne pourrait pas faire normalement, sans magie. De toute façon, il ne l’aime pas, cette magie : elle a rendu sa vie bien plus compliquée qu’elle ne l’était déjà. Souvent, il lui arrive d’oublier que sa capacité à dialoguer avec les animaux est magique, justement. C’est quelque chose qu’il connaît depuis toujours, c’est aussi naturel pour lui que de respirer ou de penser. Pendant son enfance, il pensait même que tout le monde était comme lui, avant d’apprendre la vérité.
Lorsqu’il entend le murmure de Darren, Silk se demande sincèrement pourquoi son employeur a jugé bon de les envoyer ici, tous les deux. Le choix évident aurait été d’envoyer un sorcier expérimenté, capable d’utiliser ses pouvoirs pour se fondre dans l’ombre ou quelque chose du genre. Silk a déjà vu des sorciers capables de faire ça, et il doit bien avouer qu’il les envie un peu.

« On se tient loin des chambres à coucher au maximum. On veut réveiller personne. » Lui dit Darren, et il hoche la tête. La dernière chose dont ils ont besoin, c’est de réveiller le maître des lieux. En espérant qu’il dorme. La nuit est bien avancé, mais il espère que leur homme n’est pas insomniaque. Il a l’impression de devoir se jeter tête baissé dans ce job, et il déteste ça. Il a le sentiment que ce n’est pas comme ça que Darren fonctionne habituellement non plus, mais ni l’un ni l’autre ne pouvaient simplement ignorer le paiement à la clé. Au rapport prise de risque et rentabilité, au final, il n’est pas si perdant que ça. « Allez. » Dit Darren, avant de passer devant. Silk en profite pour envoyer un signal à Tibarn, lui indiquant que tout allait bien, et il en reçu un similaire.

Silk lui emboîte le pas à l’intérieur de la maison. Même avec les années, il ne peut pas s’empêcher d’être impressionné et un peu perplexe face à l’intérieur d’une maison de riche, dans lesquelles il n’a jamais posé le pied en dehors de pour y poursuivre une sorte d’activité criminelle. Tout lui semble… trop. Trop, et inutile. Les gens qui ont de l’argent ne savent décidément pas quoi en faire. Les en délester un peu ne change même pas tant leur vie que ça, alors pourquoi s’en priver. Cela dit, il doit se retenir de ne pas laisser traîner ses mains n’importe où, chaque objet semblant attirer son attention. Chaque chose ici doit avoir pas mal de valeur, mais ce n’est rien comparé au parchemin qu’ils sont censé aller chercher.
Et… où sont-ils censés le chercher, au juste ? Ils n’ont pas eu le temps de faire du repérage, et Silk n’a aucune idée d’où peut bien se trouver le bureau où il est censé trouver le parchemin. Il ne manquerait plus qu’ils ouvrent une porte au hasard et qu’ils tombent sur une chambre à coucher. Il se rapproche de Darren. « Ça irait peut-être plus vite de se séparer. Je peux fouiller l’étage pendant que tu t’occupes du rez-de-chaussée. » Chuchote-t-il, aussi doucement que possible, même s’il a l’impression que c’est encore trop fort. Il n’aime pas trop devoir se séparer, mais ça lui semble être la meilleure idée pour le moment. Ils couvriront l’espace de la maison deux fois plus rapidement, et si jamais l’un d’entre eux se fait repérer, au moins le second aura peut-être le temps de s’enfuir sans être inquiété. Il n’aime pas penser à cette éventualité, mais bon… Il vaut mieux être paré à tout.
 

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“kindness is dead” — « On se retrouve ici dans dix minutes. » Silk hoche la tête. Il n’aime pas ça, mais rien de ce qu’il fait ce soir ne le met à l’aise. Il a l’impression que trop de choses sont laissées au hasard, et ils ont déjà eu beaucoup de chance aujourd’hui. Plus vite ils seront loin de cette maison, mieux il se sentira. Et puis, il n’oublie pas que Darren aussi travaille en solo, d’habitude. Ils ont tous les deux l’habitude d’être seul, et couvrir un étage chacun leur permettra d’accélérer la cadence, et probablement d’être plus à l’aise. En tout cas, Silk a ses habitudes, et le boulot à deux à tendance à perturber ses repères. Ce qui est la dernière chose à faire, dans une situation comme la leur. Il a l’habitude de n’entendre que le bruit de ses pas, et dès qu’il entend Darren produire le moindre son, une partie de lui à peur que ce soit un garde venu les chercher, ou n’importe qui d’autre.
Silk se dirige vers un grand escalier, ses pas semblant toucher à peine le sol, aidé par son petit gabarit et des dizaines d’années de pratique. L’escalier est en bois, évidemment, et il retient une grimace. Les marches qui grincent, l’un des pires ennemis du voleur. D’où sa préférence de passer par les fenêtres, la plupart du temps. S’il avait eu le temps de faire un repérage, il aurait sûrement atterri directement dans le bureau, mais là, le temps pressait. Tant pis. Ça ne sert à rien de se morfondre sur ce sujet, il faut qu’il se concentre sur le présent. Il serre les dents et grimpe aussi silencieusement que possible les marches. Au moins, dans les maisons de riches, les escaliers sont plus ou moins bien entretenus. Sur Staten Island ou Rockaway, il lui aurait été totalement impossible de ne pas trouver une maison remplie de parquet qui grince.

Maintenant, la partie compliquée pouvait commencer. Les chambres se trouvent en général à  l’étage, dans une maison qui en possède. Il s’arrête devant la première porte close qu’il croise, le coeur battant trop fort dans sa poitrine. Il n’avait aucun moyen de savoir si derrière cette porte se trouvait une chambre, un bureau, ou une salle de rangement… Autant jeter une pièce devant chaque porte et de ne l’ouvrir que si elle tombait sur le côté face. Il laisse échapper une nouvelle grimace, et se demande s’il n’y avait pas un sort capable de détecter la présence des gens dans une maison. Ça lui serait bien utile. Il faudrait qu’il se renseigne, mais même si un tel sort existait, il sait pertinemment qu’il n’aura probablement pas le niveau requis pour le lancer.

Il ouvre une porte au hasard, et son coeur s’emballe à nouveau lorsqu’il aperçoit un lit, à l’autre bout de la pièce. Heureusement pour lui, le lit est encore proprement fait, et personne  ne s’y trouve. Il referme doucement la porte, content encore une fois qu’ici, les portes ne semblent pas trop grincer non plus. Il avance rapidement, et finalement, une pièce attire son attention. Une bibliothèque. Il ne réfléchit pas plus longtemps et se faufile à l’intérieur, laissant la porte entrouverte derrière lui. La lumière des lampadaires s’infiltre à travers les rideaux, et il espère ne pas avoir besoin de plus de luminosité. Il reste pendant quelques secondes à observer les imposantes étagères, remplies de dizaines, de centaines de livres. Il a l’impression de n’en avoir jamais vu autant. Et chaque ouvrage à l’air cher. Ses mains le démangent d’en prendre un au hasard pour le jeter dans son sac, mais il se retient. Ça ne lui servirait à rien, et ça lui créerait sûrement des ennuis.

Par contre, s’il doit observer chaque étagère une à une, en espérant tomber sur le petit carnet qu’on lui a décrit, il y est encore demain matin. L’ampleur de la tâche l’effraie l’espace d’un instant. Qu’est-ce qu’ils feront, s’ils n’ont pas le temps de trouver ce qu’ils sont venus chercher ? Il secoue la tête. Ça ne sert à rien de s’inquiéter de ça. En plus, si le carnet est aussi important, il ne l’aurait pas simplement mis sur une étagère. Non, probablement pas. Il se dirige vers le petit bureau qui se trouve au milieu de la pièce. Des papiers sont éparpillés sur la table, mais il s’en fiche. Il essaye de ne rien déplacer, mais aucune trace du carnet. Essayant de ne pas se décourager, il fait un tour rapide de la pièce, balayant les bibliothèques du regard. C’est compliqué de chercher un livre d’une couleur particulière dans le noir, il a l’impression que tout a une vague nuance de bleu. Finalement, il revient au bureau, et repère un petit compartiment caché juste sous la table. Une petite serrure s’y trouve, et quand il essaye de l’ouvrir, rien ne bouge, évidemment. Il essaye de réutiliser le sortilège pour déverrouiller les serrures, mais pour une fois, ça ne change rien. Il jure dans sa tête, et farfouille dans son sac, cherchant ses outils.

Un soupir derrière lui lui fait se dresser les cheveux sur la nuque. « Qu'est-ce que tu fous?  J'ai trouvé le bureau en bas. » Darren. Il lâche un soupir à son tour, de soulagement. Il n’a vraiment pas l’habitude de travailler en binôme. Il n’avait même pas remarqué que les dix minutes étaient écoulées. « J’ai trouvé cette bibliothèque. » Répond-il sur le même ton, comme si ça expliquait tout. Puis, il pointe vers le compartiment fermé à clé. « J’ai trouvé ça. S’il a quelque chose à cacher, ça devrait être ici. Mais il a du protéger le bureau contre les sortilèges. » Dit-il, sortant ses outils de crochetage de son sac et s’agenouillant en face de la serrure récalcitrante. Les sorciers ont ce défaut de tellement se reposer sur la magie qu’ils en oublient souvent qu’on peut aller très loin sans l’utiliser. Il lui faut quelques secondes, qui lui paraissent durer des heures, mais finalement, le déclic se produit. Sans attendre, il ouvre le tiroir, et la couverture violette du petit carnet qui s’y trouve le fait sourire. Il le prend rapidement, vérifie que les écritures de la couvertures sont bien dorées avant de le montrer à Darren. « On peut y aller. » Murmure-t-il, rangeant l’objet dans son sac, dans une petite poche à l’écart de ses affaires personnelles. Le plus dur était passé, se dit-il. Ressortir ne devrait normalement pas être un problème.
 

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“kindness is dead” — « Vous n'irez nulle part. » Tout se passait trop bien. Silk tourne immédiatement la tête, resserre sa prise sur la lanière de son sac. La voix qui vient de retentir est sûre d’elle, et le petit sourire présent sur le visage du garde ne lui dit rien qui vaille. Trois agents de sécurité se trouvent devant eux, et les pensées de Silk s’emballent. Depuis combien de temps se sont-ils rendus compte de leur présence ? Pas si longtemps que ça, sinon ils ne les auraient pas laissé le temps de trouver ce qu’ils étaient venus chercher. Si Tibarn n’a pas aboyé, ça veut dire qu’ils étaient déjà à l’intérieur de la maison. Silk fait instinctivement un pas en arrière, jetant des coups d’oeil à droite et à gauche. Les fenêtres sont fermées, et semblent être à double vitrage. S’il se jette contre l’une d’entre elles et qu’elle ne se brise pas, la partie est finie. Et puis, il préférerait éviter de retomber trois mètres plus bas au milieu d’éclats de verre. La seule issue se trouve derrière les trois gaillards. Silk essaye de se repasser en mémoire les rares sorts qu’il connaît, mais il sait pertinemment qu’ils ne lui seront d’aucune utilité contre des sorciers qui ont appris à maîtriser leurs pouvoirs depuis leur plus jeune âge. Surtout des sorciers portant des armes à feu. « Vous allez reposer ce que vous avez pris, et nous suivre gentiment pour qu'on puisse vous corriger. Si vous êtes sages, on vous laissera repartir avec vos os intacts. » Si jamais Silk avait en tête d’appeler son chien, cette idée lui passe très rapidement. Ils ont l’air d’aimer la violence, ceux-là, et il sait pertinemment que les humains capable d’en flinguer d’autres ont encore moins de scrupules à s’attaquer à des animaux. Ils sont mal, là. S’ils les arrêtent et découvrent qu’ils ont affaire à un humain et un sorcier sans coven, il ne donne pas cher de leur peau. Il a beau réfléchir… Il ne voit pas comment il pourrait s’en tirer. Cela dit, c’était oublier qu’ils étaient venus en équipe. « Et si on admettait que la violence ne résout rien, et qu'on s'en allait chacun de notre côté? » Il a envie de dire à Darren de se taire, que les énerver n’arrangera rien, mais il reste silencieux, observant la scène en espérant se faire le plus petit possible. Darren se retourne vers lui, et les cheveux de Silk se dressent sur sa nuque au moment où il remarque sa blessure. Ces sorciers sont capables de blesser à distance. Bien. « Prépares-toi à courir. » Il hoche simplement la tête. Ça au moins, il sait faire.

« J'aurais préféré qu'on s'en tienne à une conversation civilisée... mais puisque vous vous obstinez à vous comporter comme de vulgaires animaux, je ne vois pas d'autre option. » Son ton a changé du tout au tout, comme s’il s’était mis à jouer un rôle. Silk reste silencieux, ayant compris que son coéquipier a une idée derrière la tête, et n’ayant pas envie de déranger son histoire avec un mot mal placé. « Le Jour vous souhaite bonne nuit. » Dit Darren, une seconde avant de déchaîner le chaos dans la pièce.
Le vent se lève, les livres s’arrachent des étagères, et Silk, surpris, resserre les doigts sur son sac une nouvelle fois. Il ne manquerait plus qu’il lui échappe. Il n’attend pas plus longtemps ; l’effet de surprise lui a libéré un passage, et il s’y engouffre sans réfléchir, la tête rentrée dans les épaules comme pour se préparer à un impact. Il s’en sort,  il ne sait comment, indemne. Il entend des bruits de pas sur ses talons mais ne se retourne pas. Si ce n’est pas Darren, il s’en rendra compte bien assez tôt. Il court aussi vite que possible dans le couloir, espérant que le propriétaire des lieux aura la bonne idée de rester bien caché dans son lit. Il dévale les escaliers quatre à quatre et saute les dernières marches. Impressionnant comme la maison a l’air infiniment plus petite maintenant qu’ils n’avaient plus à mesurer chaque de leur pas…

Il réfléchit à toute vitesse, et enlève la possibilité de ressortir par la porte de derrière. Ils n’ont qu’un seul essai pour sortir de cette maison, et encore, rien ne dit qu’ils ne seront pas rattrapés. Vu le temps qu’ils ont mit à venir les chercher, ils ont très bien pu refermer la porte derrière eux, et la protéger avec un sortilège. Pas le temps de sortir les outils. Arrivé dans le salon, il repère une petite statuette qui doit sûrement valoir très cher. Il s’en fiche, mais ce qui l’intéresse, c’est qu’elle est en bronze, et qu’elle a l’air assez lourde. Il lève la main dans sa direction. « Altera! » Prononce-t-il, d’une voix qu’il veut assurée. Il espère vraiment que sa magie ne le lâchera pas maintenant. Lorsque l’objet se met à léviter à quelques centimètres de la table sur laquelle il reposait, il l’envoie d’un geste vif de la main s’écraser contre l’une des fenêtres, qui se brise sans plus de difficultés. C’est dans ces moments-là qu’il regrette de ne pas connaître plus de sortilèges.

Il jette un regard en arrière, et voit Darren sur ses talons, plus mal en point que lui. « Allez, on y est presque ! » Lui dit-il, entendant les bruits précipités des pas de leurs poursuivants dans les escaliers. Sans attendre, il passe par la fenêtre et arrive dans le jardin. Il jette un autre regard à Darren, pour vérifier qu’il suit bien. Au loin, il entend les aboiements de Tibarn. Il siffle, et au bout de quelques secondes, ceux-ci s’arrêtent. Silk ne peut que remarquer la chemise tâchée de sang de son équipier, mais il n’a pas le temps de s’inquiéter. S’il peut encore courir, c’est le principal, et il s’enquerra de son état quand ils seront à l’abri. Et il aura d’autres questions à lui poser, également. Il n’a pas encore pris le temps d’y réfléchir, mais Darren n’était pas censé être capable de produire la moindre étincelle de magie. Or, ce vent n’avait rien de naturel.
 

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“kindness is dead” — Le vent se met à hurler autour d’eux, et seule l’adrénaline permet à Silk de ne pas totalement perdre de vue son objectif. Il aurait très facilement pu paniquer, ne comprenant pas d’où sortait toute cette magie. En toute logique, elle aurait du venir d’un des trois molosses qui ont essayé de les arrêter. Si le vent est la magie du Jour, il n’aurait pas été impossible qu’un sorcier de ce coven se trouvait parmi eux ce soir, ou bien même qu’un d’entre eux ait été un déviant. Mais la magie provenait de Darren, il n’y a aucun doute à ce sujet. Il l’a dit lui-même. Mais Darren est humain. Et dans le feu de l’action, il n’a pas le temps de s’arrêter pour se poser des questions. Il garde son incompréhension dans un coin de sa tête, et y reviendra lorsqu’ils ne risqueront plus de se faire tuer à cause de ce qu’ils ont volé. On les avait prévenu que ce ne serait pas facile, et sûrement dangereux… mais sa dernière mission qui a réellement mal tourné remonte à des années, sûrement. Il se concentre sur les petits contrats, qui payent certes beaucoup moins bien, mais où il est quasiment certain de rentrer en un morceau. Le risque zéro n’existe pas, mais cette mission là en était bien loin, et ils ont vu pourquoi.
Il doit se retenir de partir en courant, le plus vite possible, d’emmener leur larcin le plus loin possible de cette maison. Il est habitué à la fuite, à disparaître dans les ombres, à se faire tout petit en attendant que le chaos s’arrête, et ses jambes le démangent, il n’a qu’une envie, courir jusqu’à ce que ses poumons n’en peuvent plus. Mais il ne peut pas, parce que ça voudrait dire laisser Darren derrière. Et il n’en mène vraiment pas large. Il peine à se relever après être tombé plus qu’autre chose par la fenêtre.
Un coup d’oeil vers l’intérieur de la maison rassure Silk sur le fait que les gardes doivent être plus occupés à éviter de se faire assommer par les objets envoyés dans tous les sens par la magie de Darren. Il franchit les quelques pas qui le séparent de son équipier. Silk ne peut que voir la main de Darren plaquée contre son ventre, et le sang qui s’échappe de sa blessure. Il s’est demandé si c’est l’utilisation de sa magie – surpuissante, à son avis – qui l’avait épuisé comme ça, mais il s’est aussi pris de sacrés coups. « Loin de moi l'idée de faire mon chieur… mais je vais avoir besoin d'un peu d'aide pour marcher... » Laisse-t-il échapper d’une voix tout sauf rassurante. Silk, blême, ne trouve rien à répondre et se contente de le soutenir comme il peut. Il passe le bras libre de Darren par-dessus son épaule et grimace sous son poids. Il doit bien faire une tête de moins que lui, et tout son corps semble protester sous l’effort. Il serre les dents, et les fait avancer tous les deux, beaucoup trop lentement à son goût.
Au bout de longues minutes qui lui semble durer des heures, ils échappent à la lumière des lampadaires et Tibarn vient les rejoindre, les oreilles et la queue basses. Ce n’est pas encore assez sûr pour baisser sa garde, mais ils n’ont pas le choix. Silk aide doucement Darren à s’asseoir. Ils ne peuvent pas rester ici, mais ils ont besoin d’un plan. Et de regarder à quel point Darren est blessé. « La dernière fois, c’est Elon que j’ai du rafistoler. » Laisse-t-il échapper avec un rire sans chaleur. Il est catégorique, il déteste avoir le sang de quelqu’un d’autre sur les mains. « On peut pas s’arrêter là… Il va falloir te soigner à Rockaway. » Pas question d’essayer d’aller sur Staten Island comme ça, ils n’y arriveront jamais. Quelle ironie, d’avoir besoin d’un soigneur dans le Bronx… Jamais un sorcier de la Dawn n’acceptera de le soigner, on les remettra directement aux autorités. Silk sort un foulard de son sac, ce qu’il a qui se rapproche le plus d’un tissu propre. « J’ai rien de mieux… Appuie dessus avec ça. Sauf si t’as un nouveau tour à sortir de ta manche, va falloir tenir jusque là-bas. » Souffle-t-il en jetant un coup d’oeil par-dessus son épaule, tendant l’oreille à l’affût d’un son qui l’aurait averti d’une possible chasse à l’homme.
 

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“kindness is dead” — La dernière chose dont Silk a besoin ce soir est de ramener un cadavre avec lui jusqu’à Rockaway. Même si Darren donne l’impression d’en avoir vu d’autres, voir tout le sang qu’il perd ne le rassure pas. Il n’a aucun moyen de le recoudre sur place, et il aurait peur d’aggraver les choses, en réalité. C’est dans ce genre de moments qu’il regrette d’avoir autant rejeté la magie. Qu’il le veuille ou non, elle fait partie de lui, et elle ne s’en ira jamais. D’un côté, il sait que c’est un peu hypocrite de la rejeter en bloc comme ça, alors qu’elle est ce qui lui permet d’avoir une telle connexion avec les animaux et la nature en général. C’est quelque chose qu’il a toujours eu en lui, et il ne sait même pas ce que ça ferait de vivre sans. Mais ce qu’il appelle l’autre magie, celle qu’il est obligé de devoir appeler consciemment, ça l’effraie toujours, au point qu’il ne veut quasiment rien avoir à faire avec. Il connaît quelques sorts de base, mais même ça, ça ne lui vient pas naturellement, et s’il a la possibilité de faire sans, ça l’arrange. Mais pour le coup, il regrette de ne connaître aucun sorts de soin. Il sait qu’il n’a pas le niveau pour ça, de toute façon. Il aurait fallu s’entraîner beaucoup plus longtemps pour réussir à en sortir quelques uns, mais là, tout de suite, il se sent coupable. Il aurait peut-être pu faire quelque chose, se dit-il. Même si consciemment, il sait que ça ne sert à rien de se faire des reproches maintenant. Ça ne changera absolument rien, et demain la magie l’effrayera toujours autant, et il n’y a aucune chance pour qu’il se mette à l’étudier demain. De toute façon, il ne saurait même pas par où commencer, et il n’oserait certainement pas s’y prendre tout seul. Et il oserait encore moins demander à quelqu’un de l’aider. Même si sur Rockaway, de nombreux adultes réapprennent la magie, lui personne ne lui a altérer la mémoire, et il en a toujours un peu honte. Alors il reste dans son coin, à ruminer des regrets, sachant pertinemment à quel point ce qu’il fait est inutile.

Soutenant Darren comme il peut, il jette régulièrement des coups d’oeil dans sa direction, espérant que sa respiration rauque et difficile ne devienne pas soudainement irrégulière, ou s’arrête tout simplement. Il n’a aucune idée de ce qu’il devrait faire si jamais ça arrive. Déjà, s’il s’évanouit, il ne sait pas s’il réussira à le traîner sur plus de quelques mètres. Des scénarios catastrophes s’enchaînent dans sa tête, et il n’a aucune solution pour aucun d’entre eux. Leur seule chance, c’est s’ils arrivent à se traîner jusqu’à la maison de Doc. Ancien sorcier de l’Aube, il vit à Rockaway depuis aussi longtemps que Silk peut se souvenir. Comme son surnom l’indique, il est spécialisé dans le soin, et Silk ne voit pas qui d’autre il peut aller déranger à une heure pareille.
Ses jambes lui font mal depuis un bout de temps lorsqu’ils arrivent enfin à destination. « Il est là ton faiseur de miracle? » Lui demande Darren avec le peu de force qu’il lui reste. Silk se contente de hocher la tête. On les a sûrement déjà repéré dans Rockaway. C’est infiniment plus simple de passer inaperçu dans les quartiers de New York où règne un semblant d’ordre. Dans la péninsule, tout sentiment de sûreté est relatif, et chacun sait qu’il vaut mieux ne compter que sur soi-même. Malheureusement, pour ce soir, ça ne sera pas suffisant.
Il toque quelques coups à la porte. Il ne sait pas quelle heure il est, tout ce qu’il sait, c’est qu’il fait encore nuit, et qu’il est probablement plus tôt le matin que tard le soir. Mais au bout de longues minutes beaucoup trop silencieuse, la porte s’ouvre sur la silhouette d’un sorcier âgé, mal rasé et aux cheveux grisonnant. Un seul coup d’oeil aux deux sorciers sur le pas de sa porte, et il les laisse entrer. Silk le connaît pour avoir plusieurs fois fait appel à ses services, et parce que sa réputation n’est plus à refaire, mais ça ne l’étonnerait pas que Doc ne l’ait pas reconnu. Il y a bien longtemps qu’il ne l’a pas vu.

« Mets-le ici, » lui dit-il simplement, d’une voix calme qui lui indique qu’il en a vu d’autres. Silk ne se le fait pas dire deux fois, et suivant les instructions de l’ancien sorcier de l’Aube, il aide Darren à s’allonger sur ce qui ressemble à une table d’opération de fortune. « Ça devrait aller maintenant, » lui marmonne-t-il, en espérant sincèrement que ce n’est pas un mensonge. Il en a aucune foutue idée, et il n’a pas besoin d’être un expert médical pour savoir que la situation est critique. « On verra bien. » Lui répond la voix de Doc, à quelques mètres derrière lui. Il se rapproche de Darren, l’examine rapidement. Silk lui explique rapidement la situation, omettant les informations compromettantes, même s’il est certain que le vieux sorcier sait pertinemment dans quelles affaires ils étaient embarqués. « Un peu plus longtemps et je ne pense pas que j’aurais été capable de faire quoi que ce soit. Recule et assieds-toi quelque part sans rien déranger. C’est mon boulot maintenant. » Silk se contente de hocher la tête et trouve un petit canapé sur lequel se laisser tomber en attendant. L’inquiétude le ronge et la panique n’est toujours pas retombée, mais pour le coup, il a vraiment fait tout ce dont il était capable. Ça ne dépend plus de lui maintenant.
 

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