alcohol and puppies (silk)

Une goutte de sueur coule le long de sa tempe. Son sourire lui coupe le souffle, ses pieds rebondissent sur le sol sale, taché de boissons sucrées renversées. Son épiderme vibre avec les basses qui résonnent dans l'espace, avec les mouvements de la foule dansante. Selma ne s'arrête pas, malgré ses poumons en feu, malgré sa gorge sèche, malgré les paillettes multicolores qui volètent devant ses yeux fatigués. Au moment du refrain, elle joint sa voix éreintée à la masse beuglante des chanteurs amateurs, chante faux, chante joie. Son système alcolisée, son plaisir à vivre, son sang bouillonant dans ses veines lui permettent de rester debout ; et puis, aussi, les corps autour d'elle, qui ne laissent pas même la place de s'effondrer de fatigue. Un cri s'échappe de la gorge de la jeune sorcière quand la rythmique caractéristique d'une de ses chansons favorites coule des immenses baffles disséminées dans le club. Ses talons retrouvent le plat du sol, et son corps se met à onduler en rythme tandis que ses paupières se ferment pour se concentrer uniquement sur les sensations corporelles et la musique qui l'assourdit. La lumière transperce les paupières, lui parvient à travers elles. Quelqu'un la bouscule, s'excuse, elle sourit, rouvre les yeux, reprend ses repères.
Fronce les sourcils.
Elle a toujours un large sourire, il se fait un peu goguenard, un peu perplexe. Elle danse un peu moins, encore qu'il soit impossible d'y échapper dans la foule du Lost Souls ?. Elle se fraie un chemin vers les allées bondées où des groupes tentent vaguement d'échanger des paroles criées au dessus du bruit de la mélodie lourde de basses répétitives. De nouveau, elle l'aperçoit : un petit derrière poilu. Un chien. Un chien dans le night club. Elle s'arrête un instant, abasourdie. Cligne des yeux. Elle n'y croit pas. La situation est tout simplement improbable, et elle serait tentée de croire qu'il s'agit d'une hallucination, qu'elle a trop bu, que quelqu'un a glissé un hallucinogène dans un de ses verres. Mais la petite queue remue et disparaît vers la sortie du club, et Selma se met immédiatement en chasse. Pauvre petite chose doit être terrifiée, avec ce bruit, avec ce monde. Ses petites oreilles poilues sont surement agressées par la musique, et ses petites pattounes pleines de griffes sont surement engourdies par la bière qui s'échappe régulièrement du rebord des pintes, et son poils doux est surement encrassé de sueur humaine qui n'a rien à y faire, et sa maison doit être si loin. Selma accélère et parvient à rattraper l'animal, qui fixe la porte de sortie sans pouvoir l'ouvrir. La jeune femme s'accroupit devant elle, tend sa main. Le chien la laisse lui gratouiller le crane avant de se tourner de nouveau vers la porte d'un air résolu. Selma sourit, trop ivre pour s'étonner de la chose, et se redresse pour ouvrir à la boule de poils.
« On est mieux dehors hein ? »
Elle se laisse tomber au sol et s'y assoit, absolument pas perturbée par le froid soudain, un peu déséquilibrée par le silence qui s'abat autour d'elle. Quand la porte du club se referme derrière elle, les bruits qui s'en échappent s'éteignent, absorbés par l'isolement du batiment. La rumeur des conversations des fumeurs et autres badauds demeure, seule. Le chien s'assoit tranquillement à côté d'elle et Selma sourit.