friends can break your heart too (kain)

les secondes défilent. une, deux, trois. à attendre devant une porte qu’il connaît déjà par coeur, qu’il croise chaque fois qu’il pousse la sienne. quatre, cinq, six. à attendre un miracle, peut-être. à attendre que le courage mène ses doigts sur la poignée. sept, huit, neuf. il hésite à frapper, juste comme ça, juste pour faire entendre qu’il est là. dix, onze, douze. il hésite à faire demi-tour, à se terrer dans leur silence enfantin, à ne plus se regarder, ni se parler. à écouter ce silence que kai lui laisse entre les mains. treize, quatorze, quinze. ce silence dont l’étoile n’est pas habituée, pas dans ce sens. ça va pas. il sait que ça va pas. plus rien ne va. et assis, dans ce studio, si proche du but, si proche des réponses. assis, à ne rien faire, assis, à contempler le rien. assis. à repenser à tous ces mots. seize, dix-sept, dix-huit. ça fait mal, ça continue de tambouriner dans la poitrine, à détruire le myocarde un peu plus à chaque instant, un peu plus à chaque souffle. ça fait si mal d’entendre, encore et encore, en boucle les mensonges, de revoir le coeur d’une enfance trahie. dix-neuf, vingt, vingt-et-un. comment lui dire quand tout s’écroule autour d’eux? vingt-deux, vingt-trois, vingt-quatre. les doigts sur la poignée. plus un geste, plus un seul. il a vu nyx partir, caïn, il a attendu qu’il soit seul. seul. avec les réponses et les maux entre les mains. vingt-cinq, vingt-six, vingt-sept.
les secondes défilent et les soupires se perdent. il hésite un peu plus à chaque pression exercée pour ouvrir enfin cette porte. cette porte qu’il a tant de fois ouvertes sans réfléchir. sans penser qu’un jour il serait si difficile d’en passer le seuil.
les secondes défilent, il ne sait pas ce qu’il va trouver.
planté devant le bois, il pense faire marche arrière. quelques pas, seuls quelques pas le séparent du déni. quelques pas et tout s’efface, tout s’oublie. quelques pas, quelques secondes.
vingt-huit, vingt-neuf, trente.

“almost thought you were dead.”

et la porte se referme.
les regards se fuient, l’appartement coule dans le silence, se fond dans le décor de la nuit - aussi pourrie, aussi sale, moite, apeurée, tordue, douloureuse. la nuit et leur reflet. “obviously still think you are.” il s’approche, le félin, il s’approche et s’échoue dans l’un des fauteuils, sans vraiment lui faire face. la porte est fermée, le coeur serré. à ne plus vraiment savoir pourquoi il est là, dans le fond. à se répéter les mots, à revoir les regards. et lors du massacre; la rage. “can i ask you something?” il demande l’autorisation, l’enfant de la lune, seulement pour faire un pas de plus. seulement pour ne pas faire fuir le sauvage devant lui. i had a brother. mais il ne sait pas s’il doit continuer, s’il doit vraiment lui dire tout ce qu’il sait. et si ça changeait tout? ça a déjà tout changé” you have known him for years. un frère, un ami, un inconnu. il ne sait plus bien qui se tient à ses côtés. est-ce l’homme qu’il a toujours connu? cet homme dont la vie compte plus que la sienne. cet homme en qui il a placé sa confiance, toute sa confiance. cette confiance que personne d’autre ne peut effleurer, cette confiance qu’il a entre les mains, écrasée sous la vérité tue.

“why did you lie to me?” l’engrenage en marche, plus de retour en arrière possible. et il n’a pas besoin de s’expliquer, caïn, pas pour le moment.
l’appel est presque désespéré, à gratter au bord du coeur quelques réponses. l’appel n’est pas colère, presque doux dans l’air; ferme et brisé. mais doux. et seulement, à ces mots, les yeux se lèvent pour chercher les deux autres. et seulement, à ces mots, les étoiles confrontent ses jumelles. les mains liées à son nouveau sort, caïn prie tout ce en quoi il ne croit pas pour qu’un jour, juste un jour, tout s’arrête. tout se stoppe. que tout se fige et que tout devienne normal. que sa vie se calme, qu’il ferme paisiblement les yeux pour ressentir à nouveau le sentiment lointain que tout va bien. mais rien ne va. plus rien ne va. et aujourd’hui, les ongles détruits par le stress et l’angoisse, les doigts ont arrêté de pianoter dans le vide pour se concentrer sur la carcasse de son reflet. à contempler dans le vide là où ils en sont arrivés après tant d’années.
my brother.